Jean-Michel Blanquer, le « performer » de l’Éducation nationale

Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, n’est pas seulement un homme « de la société civile », il est aussi l’ancien président de l’ESSEC. Blanquer a déjà ses fans, ceux qui rêvent d’une école du mérite, où les meilleurs s’en sortiront au prix d’efforts, de labeur et d’acquiescement aux exigences des chefs.

Des racines profondes
Cet ancien dirigeant de la plus prestigieuse école de commerce française peut être fier d’avoir dirigé cette pépinière de futurs chefs du monde. Nous pouvons citer dans le désordre et pour le plaisir, C. Duflot, F. Pellerin, A. Kohler, ou encore les dirigeants actuels de PSA, France Télécom, l’ANPE, l’Oréal, Darty, Unilever, Nestlé, Burger King, Goldman Sachs, et enfin Julien Coupat.

Un tronc commun
L’ESSEC a par ailleurs ces dernières années fait valider un certain nombre de chaires de recherches, nées de partenariats avec des entreprises sponsors. Nous y retrouvons les suivantes : La Poste (management stratégique des services), Sodexo (Innovation et qualité de vie au quotidien), LVMH (chaire Luxe)…

Un développement en devenir
Blanquer est également connu pour avoir publié L’école de demain, ouvrage prometteur paru il y a un an. Voici une liste non exhaustive des grands thèmes de l’ouvrage suscités : autonomie des établissements, annualisation, tri social, renforcement des hiérarchies, augmentation du temps de travail, territorialisation, recrutements locaux, orientations précoce, numérisation, individualisation, salaires au mérite, filières sélectives …

Cet ouvrage se présente comme une application des découvertes scientifiques en éducation, et s’inspire en droite ligne des programmes de l’OCDE [1]. Réalisé avec l’aide de l’Institut Montaigne [2], le programme de Blanquer repose sur quatre principes fondamentaux : l’autorité, l’autonomie, les fondamentaux et la hiérarchisation. Et qui l’amène à dire sans plaisanter que « la création de postes pose plus de problèmes qu’elle n’en résout » [3].

Un vrai réac, admiratif de l’uniforme
On aurait dû s’en douter, il aime aussi les solutions les plus réactionnaires pour l’éducation. Il y a peu encore, il applaudissait aux propositions d’une association comme Espérance banlieue, qui monte des écoles hors contrat et franchement traditionalistes [4]. Participant à un colloque organisé par ladite association, il déclarait ainsi : « Ce que fait Espérance Banlieue c’est ce qu’il faut pour le système éducatif public ».

Quant aux très réactionnaires membres de SOS éducation, autre officine de la bonne éducation traditionaliste, ils n’ont pas manqué de réagir avec une grande joie à l’annonce de sa nomination, avant cependant d’effacer leur tweet [5].

On le voit, tout laisse à penser que Macron vient d’offrir l’école publique à un commercial de haut vol, qui saura mettre en place les stratégies entrepreneuriales les plus innovantes pour faire avancer le monde de demain. Comme il l’a déjà fait d’ailleurs, en tant que DGESCO (numéro deux du ministère de l’Éducation nationale) sous Sarkozy et aussi comme recteur (à Créteil). C’est sans doute cela que salue un des partenaires sociaux, l’UNSA et en particulier le syndicat des chefs d’établissements (SNPDEN-UNSA) dans quelques tweets qui resteront assurément dans les annales.

Notes

[1Pour mieux appréhender les directives de l’OCDE et les dérives qu’elles entraînent, lire les textes de Nico Hirtt autour de l’idée de la marchandisation de l’école.

[2Think-tank français, qui se présente avec l’objectif de concilier les enjeux de compétitivité et de cohésion sociale

[3L’express du 09/01/2017.

[4Et qui s’installent d’ailleurs subrepticement dans la région comme un article de La Rotative le montrait il y a quelques mois.

[5Pour plus d’informations sur les liens tissés entre le nouveau ministre et SOS éducation, lisez l’article paru dans les Inrocks.