Le Temps Machine, la « grande » salle de musiques actuelles (SMAC) de l’agglomération tourangelle, et l’association « Travaux Publics » qui la gère depuis l’ouverture en 2011, ont connu une année 2014 plutôt mouvementée : Déjà critiquée par une partie du milieu culturel local [1], l’association s’est retrouvée malgré elle au centre de la campagne des Municipales : un élu influent a mis en cause son fonctionnement, et a depuis pris la tête de la communauté d’agglomération. En septembre, ce fut le "chenillegate", où le politique en question et quelques-uns de ses camarades se seraient comportés comme des gougnafiers dans les locaux de la salle jocondienne. S’ajoutent les départs successifs de deux présidents de l’association, et ceux conjugués de trois de ses salariés (dont les deux directeurs) pour des raisons obscures.
En 2015, si la situation s’est apaisée, on parle toujours autant du Temps Machine. D’abord parce que l’association a un nouveau président et la salle un nouveau directeur. Ensuite parce que son programmateur, Monsieur Frédéric Landier, a accordé deux interviews en ce début d’année. L’une pour un blog du quotidien Le Monde, l’autre pour le magazine Gonzaï [2]. Dans ce dernier, il balaie les attaques d’un revers de main, expose la « difficulté d’être programmateur musical », et tente de redéfinir ce que devrait être, selon lui, une SMAC.
Ces entretiens posent des questions de fond qui méritent qu’on s’y arrête.
Une délégation de service public représente-t-elle un chèque en blanc ?
Constatant un « déficit d’équipement » en matière de salles de musiques amplifiées dans l’agglomération tourangelle (trois cent mille habitants), la communauté d’agglomération Tour(s)plus a fait le choix de détruire la Maison des Jeunes et de la Culture de Joué-lès-Tours pour ériger le Temps Machine. Sa construction a coûté près de neuf millions d’euros, son budget de fonctionnement annuel est estimé entre huit et neuf cent mille euros [3]. L’équipe de l’association « Travaux Publics » qui a obtenu la Délégation de Service Public (DSP) en 2008, est constituée de treize salariés permanents. « Travaux Publics » annonce entre dix et onze mille spectateurs par an répartis sur une soixantaine de spectacles.
Entre mai 2011 et février 2015, plus de 60% des représentations ont été organisées dans le bar du Temps Machine d’une capacité d’environ cent quatre-vingt places [4].
On peut donc dresser deux constats. D’une part, la programmation est, jusqu’à présent, prévue majoritairement pour de petites jauges. D’autre part, Tour(s)plus a confié la gestion d’une salle flambante neuve de six cent places à un délégataire l’utilisant moins de quatre fois sur dix. Par conséquent, élus (et contribuables) peuvent se poser la question de la pertinence de la configuration de ce bâtiment, ou bien du choix de son gestionnaire actuel.
Si l’on parle de la construction d’un bâtiment public, on touche ici à l’aménagement du territoire [5], donc de responsabilités politiques. Aussi, lorsque Frédéric Landier déclare : « L’agglomération a une compétence d’équipement, elle considère Le Temps Machine comme une entreprise qui doit faire du bénéfice. On n’est pas là pour faire du pognon, mais pour défendre de l’art non rentable », il est doublement à côté du sujet. D’abord parce que personne n’a fixé un tel objectif à la salle jocondienne [6]. Ensuite, parce qu’il n’est pas abusif qu’une assemblée politique émette un avis sur la gestion et l’utilisation d’une structure dont elle finance la construction, l’équipement et le fonctionnement. L’équipe du Temps Machine doit d’ailleurs fournir annuellement des éléments certes quantitatifs mais aussi qualitatifs à Tour(s)plus [7]. Si « Travaux Publics » estime anormal de rendre des comptes aux élus, ces derniers, en revanche, en doivent aux citoyens. Alors, quoiqu’il arrive, la conclusion leur reviendra lorsqu’il faudra réexaminer le renouvellement de la DSP.
Vous avez-dit élitisme ?
« Avec Le Temps Machine, on a vocation à proposer le meilleur aux gens passionnés… » assure Frédéric Landier. Programmer la musique que l’on aime, faire des choix de diffusion est une chose. Décider de ce qui est « le meilleur » et, par opposition, de ce qui ne l’est pas, en est une autre. Il ajoute : « Quelqu’un qui n’écoute pas de musique ne va pas voir de concert du tout, donc on ne va pas aller chercher des gens qui n’en ont rien à foutre. Le but d’une Smac est déjà de faire plaisir aux personnes qui aiment ça. ». Le cahier des charges des SMAC dit précisément l’inverse : « Développer le cadre d’un travail intergénérationnel permettant de prendre en compte la diversité des populations ». Qui plus est, le public tourangeau potentiellement concerné par une salle de musiques « actuelles » est certainement bien plus vaste que ne le suppose la moyenne de spectateurs de la salle Jocondienne. Toute la question est de savoir si l’on a envie de l’attirer ou pas. Le périmètre défini étant aussi restreint (programmation majoritairement prévue pour un bar de cent quatre-vingt places à l’usage des « gens passionnés »), on peut légitimement se poser la question.
Plus ennuyeux, « Travaux Publics » ne semble pas vraiment faire les efforts pour se tourner vers la population de l’agglomération : rien n’est fait pour faire connaître « le meilleur » à un public plus large. Contrairement à des déclarations d’intentions préalables [8], il n’y a pas — ou quasiment pas — de « têtes d’affiches » servant à « appâter » un public moins connaisseur. La communication est réduite à sa plus simple expression (pas de réelle synergie avec les radios locales, pratiquement pas d’affichage en ville ni de tractage sur les autres concerts). Quant au programme tiré à quinze mille exemplaires, très esthétique au demeurant, il est à l’avenant : les présentations des groupes comportent des mises en exergue peu explicites (exemple récent pour définir le groupe angevin Zenzile : « ciné-concert / Berlin / krautrock / post-punk / spiritual jazz / kosmische musik ») [9], des textes peu fluides bourrés de références absconses en groupes et labels inconnus des profanes, c’est-à-dire de presque tout le monde… Alors s’il y a un élitisme au Temps Machine, il est peut-être moins à chercher dans sa programmation que dans sa communication.
Frédéric Landier présente bien volontiers une image très clivée des musiques amplifiées, avec d’un côté la musique indépendante (qu’il entend défendre) et, de l’autre, la musique commerciale (il cite souvent Stromae, mais Zaz, Tryo et Maitre Gims en prennent aussi pour leur grade [10]). Cette opposition n’a aucun sens : ces artistes concernent des jauges dix à vingt fois supérieures à celle du Temps Machine ! N’y aurait-il pas, entre les deux, des nuances permettant de composer une saison culturelle de qualité ?
Frédéric Landier reconnaît avoir « blindé la salle » en invitant Lou Doillon (une des plus grosses vendeuses d’album en 2012 et 2013 et Victoire de la musique féminine 2013) et Dominique A (Victoire de la musique masculine 2013). C’est la preuve qu’il sait parfaitement comment attirer six cent personnes [11]. C’est peut-être aussi cela, « faire du populaire », comme l’appelait de ses vœux l’actuel président de Tour(s)plus Philippe Briand.
« Je reste persuadé que toutes ces SMAC qui se fondent sur un cahier des charges identique, lissent un peu leur programmation, un mélange entre le top 10 des Inrocks et trois-quatre noms des Victoires de la musique. Pas bien défricheur au bout du compte. J’aimerais que les SMAC redeviennent des endroits singuliers, qui proposent une vision particulière des musiques actuelles. Revenir à plus d’humanité (…) » déclare Frédéric Landier. Ses nombreux confrères apprécieront, y compris certains du collectif Musiques Volantes à laquelle il appartient.
On peut se demander dans quelle mesure les nombreuses salles labellisées du pays auraient perdu de leur « humanité », et en quoi le Temps Machine serait au-dessus du lot [12].
Une SMAC est, comme toute structure, dépendante de la qualité de sa direction. Il y en a des frileuses, c’est vrai. Il y en quelques-unes qui « ronronnent » dans leur fonctionnement et prennent peu de risques, c’est évident. Mais la plupart diffusent elles-aussi un grand nombre de « découvertes » et de groupes indépendants, dont beaucoup ne sont même jamais passés au Temps Machine. Simplement elles ne font pas que ça.
En France, les tournées d’artistes empruntent toutes différents réseaux, souvent subventionnés : celui des SMAC, des centre culturels, des festivals d’été, des Scènes Nationales… On peut effectivement suivre les plus voyantes à la trace et avoir l’impression d’une certaine uniformité dans les affiches des salles qui les accueillent. Est-ce donc suffisant pour affirmer que les programmations sont toutes les mêmes ? Quand bien même, serait-ce un argument recevable pour priver les spectateurs potentiels d’une agglomération de trois cent mille habitants, de spectacles qui passent un peu partout, sauf chez eux ?
Au fond, qu’a fait Frédéric Landier lorsqu’il a proposé voici deux ans Lou Doillon, Dominique A, Moriarty ou même Lescop et Christine and the Queens au public tourangeau, à part mélanger du « top 10 des Inrocks » et des « noms des Victoires de la Musique » ? La même chose que ses pairs. Pourquoi l’a-t-il fait ? Pour les mêmes raisons qu’eux. Est-ce vraiment si difficile de poursuivre ce genre de compromis d’un côté pour pouvoir continuer à « défricher » tranquillement de l’autre ?
Le tourangeau Jean-Daniel Beauvallet, l’une des premières plumes des Inrockuptibles, a été en quelque sorte la « caution morale » de Travaux Publics au moment de leur candidature pour « Le Temps Machine » en 2008. Voici ce qu’il déclarait en avril 2013 au quotidien « La Nouvelle République » :
« À quoi sert ce genre de salle de spectacles et est-ce bien le rôle des collectivités locales que de les soutenir ?
Ce sont des outils culturels qui apportent une fierté et une légitimité aux villes qui en sont dotées. La réussite de lieux comme la Coopérative de mai à Clermont-Ferrand ou La Fabrique à Nantes est là pour le prouver. La France est en pointe dans ce domaine et cela sidère les groupes anglais et encore plus américains quand ils apprennent qu’il s’agit d’une mission de service public ! Cela dit, la programmation ne doit pas devenir trop élitiste. Il faut savoir panacher, comme aux Inrocks, où nous pouvons aussi bien mettre en couverture un groupe émergent de Manchester que Daft Punk ou Vanessa Paradis. »
Une SMAC est-elle adaptée à un projet artistique radical ?
Avec les missions définies dans le cahier des charges d’une SMAC, on s’attend donc à ce qu’un tel équipement profite à un éventail de publics assez large. D’autant plus qu’une salle subventionnée fait souvent le vide autour d’elle dans une agglomération. Et ce pour deux raisons. D’une part, on constate depuis l’ouverture des premières SMAC que celles-ci ont tendance à « siphonner » les fonds attribués aux musiques actuelles. À Tours, c’est un véritable cas d’école : l’arrivée du Temps Machine a donné le coup de grâce au Bateau Ivre [13]. D’autre part, les musiques amplifiées — et le public qu’elles drainent — sont rarement les bienvenues en centre-ville. La construction d’un équipement en périphérie fournit aux municipalités un argument massue pour exclure les concerts intra-muros. Il y a des exceptions (Montpellier et Perpignan par exemple), mais elles sont rarissimes.
Pour bien situer les attentes suscitées par le Temps Machine dans le milieu culturel tourangeau, donc les déceptions et les critiques, il faut également rappeler qu’il est le fruit d’une forte demande du public et de la mobilisation des associations culturelles depuis la fin des années 90 (notamment le « Pôle Information des Musiques Amplifiées » — PIMANT — financé par Radio Béton). Elles ont été exclues du projet ensuite.
Frédéric Landier affirme « que les salles et festivals marquants ont toujours été associés à un nom de directeur, de programmateur ou à une équipe particulière ». Il ne cite pas de noms, mais on suppose qu’il a en tête des festivals comme « la route du Rock à Saint-Malo », les « Transmusicales de Rennes [14] », le « festival rock de Fontenay-le-Comte » dans les années quatre-vingt-dix, ou une salle comme « le Confort Moderne » de Poitiers. Ces noms renvoient effectivement à des lignes artistiques immédiatement identifiables… par les amateurs.
On objectera d’abord que toute radicale que soit la programmation du Confort Moderne [15], elle incorpore des artistes – les « Brigitte », « Yodelice », « Lili Wood & The Pricks » — qu’on n’imagine pas pour le moment sur la scène du Temps Machine, et il doit bien y avoir quelques raisons à cela. Aux dernières nouvelles, l’édifice poitevin tenait pourtant encore debout. Quant à la réputation d’excellence de son programmateur, l’éminent Laurent Philippe, elle demeurait intacte.
Le fondateur du festival de Fontenay-le-Comte présente lui aussi un profil militant et intransigeant. Il dirige aujourd’hui « La Sirène », la SMAC de La Rochelle [16]. Ouverte en 2011, la structure a accueilli soixante-six concerts en 2013, réunissant près de trente cinq mille spectateurs (l’agglomération rochelaise compte quelques cent cinquante mille habitants). Plus de mille deux cent abonnés, environ quinze mille visiteurs lors de quarante et une expositions ou conférences… Le bilan est éloquent et la conclusion s’impose : il est possible, avec un bassin de population deux fois moins grand que le nôtre, de réunir trois fois plus de monde qu’au Temps Machine avec une programmation à la fois pointue et ouverte.
Quoi qu’il en soit, la vie de ces associations n’a pas forcément été de tout repos. C’est leur acharnement dans le temps qui leur a conféré un public, une légitimité, et leur a ouvert les portes d’une certaine reconnaissance institutionnelle. On pourrait en dire autant de la salle tourangelle « le Petit Faucheux » qui défend le « jazz et les musiques improvisées » depuis 1983. Il s’est passé vingt années avant qu’elle ne bénéficie d’un lieu mis à disposition par la Ville de Tours (un ancien théâtre, réhabilité depuis en salle de deux cent places). Depuis, l’association, déjà subventionnée par la Municipalité tourangelle et la Région Centre, bénéficie du label SMAC, donc des aides du ministère de la Culture. Autrement dit, les pouvoirs publics ont donné des moyens supplémentaires pour continuer ce que ces associations faisaient déjà [17]. La situation du Temps Machine est toute autre : Tour(s)plus a édifié un bâtiment de six cent places censé répondre à des besoins associatifs aussi divers que nombreux. Elle en a confié la gestion à un délégataire sans expérience à ce niveau et aux visées artistiques elles-aussi très connotées. Aussi, la parenté que semble établir Frédéric Landier avec ces entités « radicales » n’a donc pas vraiment lieu d’être.
Ce concept « d’identité artistique » est en réalité très secondaire. Au premier rang des endroits de spectacles véritablement mythiques en France, transcendant les générations de spectateurs et de musiciens, on peut citer le Bikini de l’emblématique Hervé Sansoneto à Toulouse ou le cabaret Vauban à Brest [18]. Ces lieux sont effectivement « marquants », associés « à un nom de directeur, de programmateur ou à une équipe particulière », et se caractérisent aussi par un éclectisme incroyable quant à leurs programmations. La liste des artistes légendaires s’y étant produits est proprement hallucinante et renvoie les considérations de styles et de chapelles au rang d’anecdotes. À un degré moindre, les Tourangeaux pleurent, eux, le Bateau Ivre [19], pas spécialement connu pour son sectarisme.
Il existe donc des SMAC aux esthétiques musicales très ciblées, mais ce sont des situations relativement marginales, s’inscrivant dans des contextes culturels locaux et dans des lieux adaptés. Car de telles structures sont plutôt calibrées pour des projets généralistes. L’agglomération tourangelle en compte deux « particulières » et aucune « généraliste ». Reste à savoir quel sens on veut mettre dans les mots entre guillemets.
La mission de Frédéric Landier est-elle si difficile que cela ?
Un programmateur (ou une commission de programmation) est toujours critiqué, car il est à la musique ce que le sélectionneur du Onze tricolore est au football : beaucoup pensent pouvoir mieux faire et certains d’entre eux veulent sa place.
De son propre aveu, Frédéric Landier a fait à peu près ce qu’il a voulu au Temps Machine [20], au grand étonnement, d’ailleurs, de certains professionnels du secteur. Il a programmé des artistes qu’il apprécie, certains mêmes plusieurs fois [21]. Il travaille marginalement avec les acteurs locaux – groupes amateurs ou associations organisatrices de concerts — dont le style musical n’entre pas dans le cadre qu’il a lui-même défini [22]. On est d’ailleurs frappé par son manque de relation avec les autres acteurs culturels majeurs du département, Petit Faucheux excepté. Il suffit pour s’en convaincre de regarder l’intégralité des programmes du Temps Machine : le nombre d’associations locales coproduisant des spectacles est très restreint.
Alors si les difficultés que rencontrent M. Landier dans l’exercice de sa mission se limitent à ces seules critiques, il ne mesure manifestement pas la chance qui est la sienne. À un kilomètre six cent du 49 de la rue des Martyrs, La Belle Rouge, une salle associative de Joué-lès-Tours, défend elle-aussi des formes artistiques différentes et marginales, sans aucune subvention. Nul doute qu’elle ne cracherait pas sur des dotations dodues de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et de la communauté d’agglomération Tour(s)plus. L’action courageuse de ses animateurs mériterait bien, elle aussi, un long entretien.
À ce stade, il faut remettre les critiques formulées en 2014 par la nouvelle équipe de Tour(s)plus dans leur contexte politique. Frédéric Landier n’a jamais caché sa sensibilité politique, et sa proximité ancienne avec une partie de l’ancien service culturel de la mairie socialiste de Tours est connue [23]. Aussi, en mettant en cause la gestion du Temps Machine en pleine campagne des Municipales, et alors qu’il lorgne sur la présidence de l’agglomération « Tour(s)plus », Philippe Briand joue sur du velours. Le maire de Saint-Cyr-sur-Loire reprend à son compte certaines des critiques adressées à un symbole de la culture du mandat de Jean Germain. Il faut donc relativiser les attaques qui fondent les propos du programmateur du Temps Machine dans Gonzaï : elles sont peut-être moins l’expression d’une vision très droitière de la Culture que de la petite politique politicienne.
Et maintenant ?
L’époque est à la rigueur, aux baisses de subventions, et même à la disparition de plusieurs structures (des festivals notamment). Certaines – dont les SMAC — ont la chance de « passer entre les gouttes ». Si on n’admet pas leur vocation plurielle et que l’on trouve leur cadre trop étroit, il reste toujours possible d’envisager un fonctionnement plus indépendant. Avec un lieu à elle, une association est beaucoup plus légitime pour faire comme elle l’entend.
À l’intérieur ou hors des murs jocondiens, l’association Travaux Publics doit pouvoir défendre sa vision de la musique, et peut normalement prétendre à des aides (financières, matérielles). La qualité de sa programmation est exceptionnelle. Ses intentions sont louables [24], notamment son soutien aux artistes indépendants, même s’il est paradoxal de ne l’envisager que par le biais de la dépendance aux subsides de l’État . On pourrait par exemple tout à fait envisager qu’une salle à l’abandon comme le Bateau Ivre — dans le giron municipal [25] et avec une jauge davantage en rapport avec la programmation de Travaux Publics — soit réhabilitée et mise à sa disposition.
Sans aller jusque-là, on peut imaginer que les récentes arrivées à la tête de l’association présagent d’un changement dans la manière d’utiliser ce formidable outil qu’est le Temps Machine, pour, à terme, voir sa Délégation de Service Public reconduite. C’est tout le mal que l’on souhaite à l’association Travaux Publics, dont il faut dire aussi combien la présence et la vision artistique sont une richesse pour l’agglomération.
En revanche, n’est-il pas indécent de se plaindre pour des motifs aussi futiles dans le contexte actuel ? N’est-il pas déplacé de se cacher derrière la défense de la Culture quand il n’est question, au fond, que de l’utilisation d’un équipement public, et pas de son existence ni de celle de l’association qui le gère ?
Jean-Christophe Tabuy