Souffrance au travail : un médecin du CHU de Tours condamné par son ordre suite à la plainte d’un employeur

Le Docteur Bernadette Berneron, qui participe à la consultation « Souffrance et Travail » de l’hôpital de Tours, a été sanctionnée par la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du Centre suite à la plainte d’un employeur.

Il lui est reproché d’avoir établi un lien entre la santé d’un salarié et son travail, alors que les consultations « Souffrance et Travail » ont justement pour objet de permettre au patient de comprendre ce qui peut faire difficulté dans son travail au point de l’en rendre malade.

L’association Santé et Médecine du Travail voit dans cette décision le travail d’une « coalition contre la Santé au Travail allant des syndicats d’employeurs, à l’Ordre des Médecins et à des universitaires qui donnent des leçons vides de sens, sans faire référence à aucune connaissance clinique en santé au travail ». L’objectif de cette coalition ? « Empêcher aux médecins du travail d’instruire le lien santé-travail par un écrit médical ».

En effet, dans la décision de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du 17 décembre 2014, il est reproché au Docteur Berneron :

« d’avoir expressément pris parti pour la salariée, tenant les dires de celle-ci pour établis, imputant expressément les troubles dont elle souffre à son employeur en mettant en cause ce dernier .../... Qu’à supposer que le document ne soit pas analysé comme un rapport tendancieux ou un certificat de complaisance, sa teneur caractérise pour le moins un manque de prudence et de circonspection .../... »

Cet argumentaire fait complètement abstraction de la méthodologie déployée par les médecins de la consultation « Souffrance et Travail », longuement décrite dans une intervention en soutien au Docteur Berneron [1].

Il s’agit, via des consultations durant plusieurs heures, d’identifier la relation entre des altérations de la santé d’un patient et des éléments pathogènes de sa situation professionnelle. Le document médical rédigé à l’issue de la consultation a pour objet principal de laisser une trace du travail de compréhension effectué, pour que le patient puisse y référer si besoin.

Pour Dominique Huez, membre de l’association Santé et Médecine du Travail, la décision de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins conduit à « intimider et subordonner des pratiques médicales dans l’intérêt de certains employeurs ». Plusieurs médecins du travail ont récemment été poursuivis par des employeurs qui contestaient leurs écrits.

Pour avoir une idée de ce à quoi peut ressembler une consultation « Souffrance et Travail », vous pouvez regarder ce documentaire intitulé « La Mise à Mort du Travail » (l’extrait pertinent démarre à la deuxième minute).

Notes

[1Voir le document sur le site de l’association Santé et Médecine du Travail http://www.a-smt.org/2014/2014-12-17-Intervention.soutien.Berneron.pdf