Prix Impulsions : le management participatif appliqué à l’Éducation

Le ministère de l’Éducation Nationale lance ces jours-ci une nouvelle édition de l’opération « Impulsions ». Ce « prix de la modernisation participative » a pour but « d’encourager les agents qui font bouger l’administration » sous la forme d’un concours. Une illustration des nouvelles formes que prend le management dans l’administration publique.

Vous êtes créatifs ? Mieux, vous êtes « amenés à imaginer (…) d’autres formes d’organisation du travail, des améliorations d’outils qui permettent à l’administration d’être plus efficace et de rendre un service de meilleure qualité à ses usagers » ? Vous ne recevrez peut-être pas les palmes académiques, mais vous pouvez participer au prix Impulsions [1], nouveau concours de l’Éducation Nationale pour « encourager, valoriser et tirer parti de cette inventivité discrète et souvent méconnue » qui est en vous.

En 2018, vingt académies sur trente ont choisi de se lancer dans l’aventure Impulsions, dont celle d’Orléans-Tours. Il s’agit donc bien d’un mouvement de fond dans les nouvelles politiques managériales de l’Éducation Nationale. Cette forme de management participatif est bien connue : d’un côté, on ignore les revendications collectives des organisations syndicales et des représentants du personnel ; de l’autre, on encourage l’initiative individuelle et « l’inventivité ».

Un QR Code pour le menu de la cantine

Ne proposez pas d’augmenter les moyens des établissements ou de réduire le nombre d’élèves par classe, pistes d’améliorations du service public de l’enseignement régulièrement revendiquées par les syndicats de profs ; pour gagner, proposez plutôt de mettre à disposition des informations relatives au menu de la cantine via un QR-Code [2]. Inutile d’imaginer qu’on assiste au développement de l’autogestion dans l’administration : il s’agit simplement de donner aux agents l’illusion d’être autonomes, en leur proposant de s’échiner pour trouver des solutions à des problèmes annexes. Au passage, on créé de l’adhésion à moindre coût.

Les projets retenus en 2017 [3] peuvent laisser penser à une opération de techniciens, à grand renfort de numérique : application pour lancer un message d’alerte sur tous les écrans au sein d’un collège ou d’un lycée, dématérialisation du service d’assistance pédagogique à domicile pour les élèves en situation de soins, ou création d’une base de données nationale pour faciliter l’organisation des sorties scolaires dans le premier degré.

Au-delà de ces solutions techniques, le « prix spécial » du jury 2017 retient aussi l’attention. Proposée par une inspectrice, l’idée consiste à mettre en place une « caravane de l’inspection » chargée d’« installer une relation de proximité entre une équipe de circonscription et les enseignants de son ressort ». Présentée comme une manière d’accompagner et soutenir les enseignants, notamment autour d’un « petit déj convivial » (sic), il s’agit de fait de faire accepter les nouvelles modalités liées à l’inspection et à l’évaluation des personnels. On peut ainsi y voir un accroissement du contrôle et de l’encadrement exercé par le corps d’inspection sous couvert d’une démarche censée favoriser « de nouveaux modes de collaboration ». Comme si, d’ailleurs, l’innovation était la clé de l’amélioration du service public de l’enseignement.

L’Éducation semble bien s’adapter à la start-up nation.

Notes

[1Présenté sur cette page.

[2Premier prix du concours Impulsions 2016.

[3Ils sont présentés sur cette page du site officiel de l’Education Nationale.