Philippe Briand veut dissoudre "les groupes antifas"

Le député-maire de Saint-Cyr-sur-Loire et président de l’agglomération de Tours a déposé, avec 38 députés UMP, une proposition de loi visant à "élargir les conditions de dissolution des associations ou groupements de fait tels que les groupes antifas".

Le texte de la proposition de loi, dont le titre est déjà évocateur, précise, entre autres :

Des groupes préparés, entraînés, équipés, profitent régulièrement d’évènements ou de manifestations pour semer le trouble, portant atteinte aux biens et aux personnes, en particulier contre les forces de l’ordre et les institutions publiques. (...)

Force est de constater qu’aujourd’hui, les groupes radicaux ne disposant pas d’existence juridique se développent et s’en prennent souvent violemment aux biens privés, au mobilier urbain, ou à l’intégrité physique des forces de l’ordre, sans que les autorités compétentes puissent les dissoudre, faute de fondement juridique.

Il semble donc nécessaire de faire évoluer la législation afin de permettre la dissolution de toutes associations ou groupements de fait portant atteinte aux biens privés, au mobilier urbain, ou à l’intégrité physique des forces de l’ordre.

On ne reviendra ici pas une fois de plus sur le fait qu’il est tout à fait ridicule de vouloir dissoudre des "groupements de fait" puisque, par définition, ils n’existent pas juridiquement. Prenons plutôt le temps de revenir sur les motivations des 39 dépositaires de cette proposition.

Dans l’esprit des ses auteurs, le but est clair : combler le décalage qu’il y aurait selon eux entre le traitement judiciaire appliqués aux militants de droite et aux militants de gauche. Pour eux la justice est clairement "laxiste" avec les seconds et sévère avec les premiers. Quiconque s’est intéressé aux démêlés judiciaires des personnes interpelées lors de la manifestation en faveur de la ZAD le 22 février à Nantes ne peut que s’accorder avec ce jugement : à l’évidence la justice est laxiste avec les militants de gauche... au moins est-elle effectivement aveugle. Interrogés par Street Press, deux des coreligionnaires de Philippe Briand précisent ainsi le fond de leurs pensées :

« Le gouvernement fait preuve d’un deux poids deux mesures quand il s’agit de lutter contre les méchants violents de gauche par rapport aux méchants violents de droite !  » déclare ainsi Yannick Moreau (député de la troisième circonscription de la Vendée, ex MPF)

« La vérité de l’affaire Méric, c’est qu’il y a eu des provocs des deux côtés. Mais le gouvernement n’a interdit que les mouvements extrémistes d’un bord. Alors que de l’autre côté c’est pas mieux.  » explique Jacques Myard (député de la cinquième circonscription des Yvelines) pour qui le meurtre du militant antifasciste a apparemment été une prise de conscience de la menace exercée par les gauchistes.

Au moins personne ne se cache. Ce "deux poids deux mesures" que dénoncent avec force ces droitards proches de la Manif pour Tous, Philippe Briand en a une expérience locale. Ainsi trouve-t-il sans doute scandaleux que Pierre-Louis Meriguet, chefaillon du groupuscule d’extrême-droite Vox Populi (et aujourd’hui fièrement membre du FN) n’ait pas été poursuivi après qu’il ait frappé un militant antifasciste avec une chaise en métal en novembre dernier. Sans doute s’indigne-t-il lorsque, pour deux œufs de peinture jetés sur le magasin de ce sinistre personnage en avril, un militant antifasciste est convoqué au tribunal (le verdict n’est pas encore connu).

Le portail antifasciste La Horde propose une analyse très juste de cette proposition de loi et de ce qu’elle sous-entend :

Cette initiative, aussi ridicule qu’elle puisse sembler, s’inscrit dans un contexte qui montre quelle place occupe aujourd’hui l’antifascisme dans les représentations des forces politiques, particulièrement à droite, sans même que le Front national n’occupe le moindre poste à responsabilité au sein de l’État.

Dans les années 1990, alors que le Front national connaissait une forte progression de ses scores électoraux et qu’il avait réussi à mettre la main sur plusieurs mairies de villes moyennes, l’antifascisme, qu’il soit républicain ou radical, apparaissait comme une composante légitime du paysage politique français. Il n’était pas rare de voir des affrontements lors des déplacements électoraux de candidats FN, affrontements n’impliquant pas que des militants mais aussi souvent, la population du quartier (cf. caravane électorale de Martine Lehideux pour les législatives de 1997 à Paris). De son côté, J-M. Le Pen, secondé il est vrai du DPS, le service d’ordre du FN, ne rechignait pas à faire le coup de poing, comme à Mantes-la-Jolie le 30 mai 1997. À cette époque, l’opposition à l’extrême droite, quand bien même elle prenait la forme d’une opposition physique à la présence de ses représentants, n’était pas systématiquement suivie d’une répression féroce.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : non seulement la répression sanctionne systématiquement les antifas quand ils osent s’opposer véritablement à l’extrême droite, mais, plus significatif, l’opposition concrète à l’extrême droite est parfois présentée comme un reflet de la violence d’extrême droite (renvoyant ainsi racistes et antifascistes dos à dos), voire comme une atteinte à la liberté d’expression (le racisme, le sexisme ou toute autre forme de discours discriminant devenant une opinion parmi d’autres).

On n’avait pas trop de doutes sur les convictions politiques de Philippe Briand mais on a là une confirmation supplémentaire des orientations favorites du richissime patron de Citya.

P.-S.

Le président de l’agglomération a cosigné cette proposition avec 38 de ses copains. La liste des 39 députés l’ayant déposé est disponible sur carnetdebord.antifa.net.