Les députés En Marche Chalumeau et Labaronne au chevet des flics

Philippe Chalumeau et Daniel Labaronne, deux députés LREM d’Indre-et-Loire, cosignent une lettre ouverte visant à alerter sur les suicides au sein de la police. Alors que l’institution policière est mise en accusation par de très nombreuses personnes confrontées à sa violence, les députés En Marche se préoccupent de présenter les flics comme des victimes.

Entre les milliers de personnes qui se sont levées pour dénoncer les violences policières à caractère raciste d’une part et la mobilisation des syndicats de police d’autre part, les députés En Marche ont choisi leur camp. Emboîtant le pas au président de la République, qui a balayé d’un revers de main les critiques adressées à l’institution policière [1], Chalumeau et Labaronne cosignent un texte qui présente les policiers comme des « victimes d’une stigmatisation injuste ».

Cette lettre publiée le 19 juin [2], en-dessous de laquelle s’affichent les noms de trente-quatre députés de la majorité, prétend s’intéresser à la question des suicides parmi les forces de l’ordre. Mais dans le climat actuel, il s’agit clairement de donner des gages aux syndicats de police, qui multiplient les actions symboliques depuis que le ministre de l’Intérieur a laissé entendre qu’il pourrait envisager d’interdire des techniques d’interpellation dont la dangerosité est établie. François Jolivet, député En Marche de l’Indre, a par exemple partagé le contenu de cette lettre sur Twitter en l’accompagnant des mots-clés #JeSoutiensLaPolice et #JeSoutiensLesFDO, massivement employés par les policiers et leurs soutiens pour contrer la mobilisation populaire contre les violences policières.

La question du racisme au sein de la police est renvoyée à des « dérapages » individuels, alors que de nombreuses enquêtes journalistiques ont récemment montré l’ampleur du phénomène [3]. Les députés En Marche font également le choix d’ignorer les travaux scientifiques réalisés sur la question du racisme dans la police, ainsi que le récent rapport du Défenseur des droits qui dénonçait une « discrimination systémique ».

Cette lettre ouverte constitue une diversion assez lamentable : alors que l’institution policière est mise en accusation par de très nombreuses personnes confrontées à sa violence, les députés En Marche se préoccupent de présenter les policiers comme des victimes. Au lieu de se pencher sur les raisons qui justifient les critiques adressées aux forces de l’ordre, les députés En Marche martèlent que la police est « républicaine » et qu’elle « n’obéit qu’au principe de protection de la population et de ses biens », avant d’invoquer le rôle de la police face au terrorisme, ultime argument d’autorité. Un peu plus loin, les parlementaires renvoient dos-à-dos « groupuscules d’extrême gauche et d’extrême droite », et les désignent comme une « gangrène » — qu’il faudrait donc éliminer.

Enfin, dans un mouvement désormais classique quand il s’agit de défendre les forces de l’ordre (leur emploi, leur armement, leur impunité), les députés concluent leur missive en paraphrasant un slogan du Front National [4] : « La sécurité, c’est le premier bien des Français ». En fait, plutôt que la sécurité, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre le droit à la sûreté, conçu comme une garantie individuelle de tout citoyen contre l’arbitraire de l’État. Cette lettre ouverte des députés En Marche le montre : quand l’arbitraire de l’État s’exerce au travers de sa police, l’impunité et le déni restent la règle.


Notes

[1En plus de son déni répété sur la question des violences policières pendant le mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron a exprimé un soutien ferme aux policiers et aux gendarmes lors de son allocution du 14 juin 2020.

[2Elle peut être lue sur la page Facebook de François Jolivet, député En Marche de la première circonscription de l’Indre.

[4La célèbre affiche de campagne du FN en 1992 montrait Jean-Marie Le Pen tenant dans ses bras sa nièce Marion Maréchal, avec le slogan : « La sécurité... Première des libertés. » Depuis, la formule s’est banalisée, et a notamment été employée par Emmanuel Macron, Jean-Pierre Chevènement, Christian Estrosi, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, etc.