La BAC à Balzac : retour sur la visite de Gabriel Attal à Tours

Venu pour présenter le Service national universel, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a été confronté à la colère des professeurs du lycée Balzac, lassés du mépris du gouvernement. La réunion s’est tenue dans un CDI « bunkérisé », sous la protection de la brigade anti-criminalité. Le récit qui suit a été écrit par des enseignant-es du lycée.

Situé à deux pas de la place Jean-Jaurès, le lycée Balzac a la réputation d’être calme, avec des élèves mignons et un personnel mignon également, aux ordres. Dans l’agglomération de Tours c’était donc le lycée idéal pour que le secrétaire d’État à l’Éducation nationale Gabriel Attal vienne, le jeudi 13 février, présenter aux élèves le nouveau dispositif du Service national universel (SNU). C’était aussi l’occasion idéale pour lui offrir une mignonne surprise.

En effet, à bien y regarder, l’essentiel du personnel du lycée Balzac est tout de même bien énervé, notamment par la question des retraites et par celle de la casse de notre système éducatif. Si cela a peu bougé à Balzac à l’occasion des nouvelles épreuves du bac, c’est que le personnel de direction a su faire preuve d’intelligence et de dialogue (avant d’être désavoué par l’échelon au dessus).

Passons sur les détails de la mobilisation ces derniers mois, mais un exemple de sujet qui fâche : à l’automne 2019, des élèves et des professeurs du club écolo du lycée ont été convoqués en urgence pour une réunion avec le ministre à Montlouis. Ils ont servi de simple tapisserie pour la communication gouvernementale. Par conséquent, quand le rappel est battu en urgence, avec visite préfectorale, ce mardi pour trouver des mignons à aligner pour une autre visite de com’ dès le jeudi, la méfiance est de mise. Pas d’information concrète, des élèves déboussolés, pas préparés, qui ne savent pas quel est le sujet (contrairement à ce qui est affirmé ailleurs, ce ne sont pas des volontaires pour le SNU), des professeurs traités avec méfiance, payés de mépris comme d’habitude.

Nous nous décidons donc pour une action symbolique, virulente mais irréprochable par sa non-violence. Aucune volonté d’empêcher l’entrée du ministre ou la tenue de la réunion. Nous nous présentons donc le jeudi matin habillés de noir, tenue de deuil. L’ambiance est sympathique, les uns préparent des affiches, les autres des bâillons. L’horaire d’arrivée du secrétaire d’État est deux fois modifiée, un certain mystère est entretenu, le quartier est bouclé par des CRS en tenue. Le lycée est couvert de slogans variés :

« Sentiment de mépris » ; « Le bac coûte trop cher. Passe ton SNU d’abord » ; « Liquidation annoncée » ; « Vous avez tout pris, laissez au moins les élèves » ; « Retraite -30 %» ; « Tout doit disparaître » ; « Nos élèves ne sont pas des pions »

Nous attendons de pied ferme aux points stratégiques, dans notre lycée fermé et encerclé. Les élèves sont rassemblés dans la cour et applaudissent les professeurs. Cela fait du bien, cette collectivité joyeuse dans la protestation. Joyeuse mais déterminée. Quelques collègues d’autres établissements ont eu la gentillesse de nous rejoindre, mais ils sont bien entendu bloqués à l’extérieur du lycée.

Quand le secrétaire d’État arrive, bien évidemment, il nous évite. Avec les deux députés Colboc et Chalumeau, la préfète, le directeur académique et toute la suite, il doit passer sous lourde protection policière par une petite porte extérieure, un logement désaffecté, avant de se claquemurer pour la réunion dans le CDI gardé par la police. Panache de la visite d’État. Bonjour le dialogue et la concertation.

Nous nous repositionnons et, comme nous faisons un raffut de tous les diables à la porte du CDI, rejoints par les élèves, nous sommes refoulés manu militari dans le couloir et les escaliers, sans avertissement, par une demi-douzaine de policiers en civil. Un élève de première est pris au cou, les aimables collègues sont dégagés avec violence.

Les élèves rapportent que pendant ce temps, dans le CDI bunkerisé, le secrétaire d’État leur fait l’apologie de la liberté de parole, des valeurs républicaines, de la démocratie.

Plus tard, le secrétaire d’État Gabriel Attal et son orchestre sortiront comme ils sont venus, par la petite porte et sous protection, pour éviter des protestataires parfaitement non-violents qui n’ont pas fait action de blocage.

L’opération est réussie. La communication officielle est décrédibilisée. Gabriel Attal a beau réaffirmer dans la presse locale que beaucoup d’efforts ont été consentis pour l’éducation et les chiffrer à 500 millions d’euros, de plus en plus de monde y voit des mensonges. Les faits sont têtus. Mais aussi, le personnel du lycée Balzac a passé un moment très convivial. Gabriel Attal peut revenir quand il veut. Et si Jean-Michel Blanquer veut bien nous faire l’honneur de sa visite, nous lui déroulerons le tapis rouge.