Festival d’Aurillac, récits d’une fête qui ne tient pas en cage

Aurillac 2016, festival d’arts de rue, a été proclamé "Festival des luttes" par ses organisateur-ices. Pourtant, confronté à un dispositif sécuritaire aussi inutile que nuisible, des festivalier-ères font passer le mot : rendez-vous à 18h vendredi contre les fouilles et l’encagement du festival. Le mot tourne tellement fort dans la ville que les grilles s’en trouvent renversées...

La bataille d’Aurillac a bien eu lieu...

Assez rapidement, un attroupement de festivalières-ers se forment, des tracts circulent, l’atmosphère se charge d’un parfum nouveau. Des deux côtés des barrières, en zone libre et à l’intérieur des grilles, les slogans fusent. Les festivalières-ers commencent alors à refuser massivement les contrôles. Avec de plus en plus d’assurance, les slogans rebondissent d’un côté à l’autre des barrières. « Aurillac ne tient pas en cage ! » Bientôt les vigiles sont dépassés et doivent quitter les lieux. Les manifestant-e-s parviennent à force d’acharnement à écarter les barrières mobiles et la foule finit par se rejoindre, plus de zone libre et de zone « protégée », plus d’intérieur et d’extérieur. Les autres grilles fixées sont secouées et cèdent pour certaines. C’est au beau milieu de cette liesse populaire que les forces de l’ordre surgissent. Les gendarmes se déploient alors sur la place. Ils repoussent les manifestant-e-s afin de protéger les restes fumant du checkpoint. Ils mettent ainsi en œuvre la technique dite de la « cage vide ». Les festivalières-ers leur font rapidement et joyeusement savoir que leur présence (et même leur existence) n’est pas souhaitée, ils sont invités à se retirer dans les plus brefs délais. L’insistance des manifestant-e-s fait reculer les gendarmes. Les quelques dizaines de casques brillants sous le soleil cantalien sont autant de cibles mobiles de tirs de projectiles en tout genre. Les uniformes s’amassent tous à l’entrée de la rue Jules Ferry, au nord de la place.

Des dizaines de palets de gaz lacrymogène sont tirés. L’épaisse fumée blanche inonde bientôt la place. Pendant ce temps, les manifestant.e.s recyclent les grilles pour ériger une barricade devant la rue Jules Ferry, pour prévenir une éventuelle charge policière. Au milieu de la fumée blanche, une timide fumée noire s’élève d’une poubelle. Simultanément, en haut de la place, à l’entrée de la rue des Carmes, une pratique ingénieuse se répand comme une traînée de poudre : la ventilation. Toujours dans la réutilisation du mobilier disponible, les festivalières-ers agitent les nombreux cartons des affiches des spectacles du festival pour évacuer le gaz lacrymogène. Fleurissent alors des tags comme « Une seule solution : la ventilation » ou encore « Le plus bel art de rue c’est l’émeute. Pastille 1312 ». En amont dans la rue de Carmes, des débats s’engagent entre riverain.e.s, les festivalières-ers, les commerçant-e-s. Rue Jules Ferry, le retrait des troupes sonne la fin des contrôles et la libération du festival, au moins pour cette nuit.

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... rue des Carmes, le 19 août 2016

Cet été, rdv est pris avec les copains copines pour le festival d’Aurillac, un festival de théâtre de rue qu’on apprécie pour sa composante assez sauvage : un off (les spectacles non déclarés, au chapeau) impressionnant, et un public parfois agité... En témoignent notamment les batucadas endiablées qui secouent le vieux centre à longueur de nuits, mais aussi le nombre de « campements » de tentes et camions installés sur le moindre espace vert, à l’écart des campings officiels. Mais cette année, état d’urgence oblige, les autorités compétentes (haha) ont tenté une pacification malvenue : tout le centre-ville est encagé par des barrières agrémentées d’un affichage sur les mesures exceptionnelles que le plan vigipirate nous imposent et d’un dispositif de sécurité visant à fouiller tous les sacs.

Les flics se promènent tranquillement, comme dans n’importe quelle fan zone... S’il faut avouer que la plupart des vigiles postés aux points de contrôle sont assez sympas et pas trop zélés, la déconvenue nous rend de notre côté moins poliEs. Dès le premier jour on leur fait la promesse que les barrières ne tiendront pas la semaine... L’histoire nous a donné raison. Faut dire qu’on était pas les seulEs à être déçuEs. Et les conversations sur la nécessité de libérer Aurillac étaient souvent revenues entre nous, mais aussi avec pas mal de gens rencontréEs. Jo notamment, une copine du cru, qui nous a longuement parlé de l’existence d’une prison en plein centre... CertainEs se sont d’ailleurs payéEs un tour de chauffe sur les vitres du local du FN les deux premiers soirs, jusqu’à ce qu’il soit protégé par des planches de bois, qu’on s’est appliquéEs à redécorer (RIP mon marqueur). Pendant plusieurs jours, on a parlé de faire tomber les barrières, on a imaginé des scénarios, on a espéré, désespéré, on a prospecté, on a repéré les entrées les plus empruntées et les heures de pointe. Jeudi soir, on croit halluciner (il était déjà tard) quand on entend dans une buvette un peu excentrée un rdv pour une action à l’entrée des Carmes à 18h le lendemain. Un tract d’appel, paraît-il, aurait tourné sans que nous n’en ayons vu la couleur.

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