Des familles inquiètes du permis de tuer exigé par certains syndicats de police

Face à l’appel des syndicats de police à une remise en cause du cadre légal de la légitime défense ce mercredi 14 octobre, le collectif de familles de personnes décédées dans le cadre d’une intervention policière « Urgence Notre Police Assassine » met en garde contre la délivrance d’un permis de tuer à des policiers qui bénéficient déjà d’une impunité hors du commun dans des affaires ayant entraîné la mort d’une personne. Impunité qui a d’ailleurs déjà fait l’objet de deux rapports d’Amnesty International, l’un en 2009, et l’autre en 2012[1].

En France, plus de 15 personnes meurent chaque année dans le cadre d’une intervention policière[2] sans qu’aucun policier ne soit jamais condamné à une peine de prison pour leur mort. Malgré ses tweets de soutien aux familles des jeunes Noirs tués par la police aux Etats-Unis, Christiane Taubira refuse d’aborder le sujet en France, alors que les drames se multiplient chaque mois.

Le 6 mars 2015, Amadou Koumé, 34 ans et père de famille, mourrait avant d’arriver au commissariat à Gare du Nord à Paris, vraisemblablement asphyxié. Huit mois plus tard, et malgré un rassemblement de plus de 250 personnes le10 octobre dernier sur les lieux du drame, sa compagne Jessica attend toujours la nomination d’un juge, et l’ouverture d’une instruction, normalement automatique dans de pareilles circonstances.

La famille de Wissam El Yamini, mort sous les coups d’une vingtaine de policiers en 2012 à Clermont-Ferrand, n’a toujours pas vu de policier inculpé pour sa mort[3]. Les familles de Lamine Dieng, mort étouffé dans un fourgon de police en 2007 à Paris, Ali Ziri, retraité de 69 ans, mort à Argenteuil (95) suite à une clé d’étranglement, Mahmadou Maréga, mort dans un ascenseur avec des policiers à Colombes (92) en 2010, ont eu la douleur de faire face à des "non lieux" après des années de procédure judiciaire[4]. Celle de Hakim Ajimi, mort à Grasse en 2008 au cours d’une interpellation en plein jour, en centre ville et devant des dizaines de témoins, a dû se contenter d’une peine de sursis pour trois des policiers impliqués[5]. La famille de Hocine Bouras, tué d’une balle dans la tête alors qu’il était menotté dans une voiture à l’été 2015, attend toujours la mise en examen du policier qui a tiré[6]. Celle d’Abdoulaye Camara, abattu en décembre 2014 au Havre, constate que l’enquête concernant leur proche est au point mort[7]. Celle d’Amine Bentounsi[8], tué le 21 avril 2012 à Noisy-Le-Sec, a vu les faits d"’homicide volontaire" requalifiés en "violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Celle de Lahoucine Aït Omghar, mort de 5 balles à Montigny-en-Gohelle, se bat pour que l’enquête reste ouverte[9]...

Alors que ces enquêtes stagnent, traînent en longueur, et que les avocats épuisent tous les recours possibles, les familles ont toutes en tête celles de Zyed et Bouna, morts le 27 octobre 2005, et dont la Justice a décidé qu’ils n’avaient pas été victime de non assistance en danger...près de 10 ans après les faits. Ensemble, elles se battent pour que leurs morts ne tombent pas dans l’oubli, pour que justice se fasse, et que les policiers dangereux soient mis hors état de nuire à d’autres.

L’indignation à géographie variable de Christiane Taubira en matière d’impunité policière depuis sa prise de fonction au Ministère de la Justice lui avait valu une lettre[10] de la part de la fondatrice du Collectif, Amal Bentounsi, la sœur de Rémi Fraisse, et Raymond Gurême, Tsigane de 89 ans roué de coups par la police, la poussant à se pencher sur le cas français. Aujourd’hui, les familles du collectif Urgence Notre Police Assassine s’interrogent : va-t-elle pousser jusqu’à accorder aux policiers un permis de tuer ?

COLLECTIF URGENCE NOTRE POLICE ASSASSINE