De Malik Oussekine à Rémi Fraisse : quand les pouvoirs publics et les médias nous prennent pour des cons !

L’instrumentalisation (trop) évidente de la mort de Rémi Fraisse, par les pouvoirs publics et autorités de l’État, relayée par les grands médias me met hors de moi. Les déclarations des gendarmes et du procureur de la république font écho, elles sont largement relayées par France 2 notamment et nous préparent à faire d’une victime un coupable. Jusqu’où iront-ils dans l’ignominie ? N’ont-ils pas de conscience ? Le peuple est-il à ce point naïf à leurs yeux pour qu’on lui serve une telle soupe ?

Quelques heures après la mort de Rémi Fraisse, un jeune homme de 21 ans, botaniste bénévole à France Nature Environnement, le procureur d’Albi, M. Claude Dérens, sans avoir d’autres éléments que les déclarations des gendarmes, a commencé par dénoncer la violence des manifestants et, plus tard, notre ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, nous expliquait qu’ « Aucune cause, dans un État de droit, ne peut justifier ce déchaînement de violences répétées ».

On comprend bien, dans leurs propos que les "méchants violents" sont les opposants au projet du barrage de Sivens. On apprenait même, ce jour funeste que, selon les gendarmes, l’affrontement durant lequel Rémi a connu la mort, était d’une violence extrême et que les manifestants avaient fait usage de cocktails Molotov et d’engins explosifs. Oui, vous avez bien lu : « d’engins explosifs » !

Si le cocktail Molotov est bien connu pour être une arme d’émeute, les explosifs, ne sont pas si courants... D’ailleurs, les derniers articles n’en font plus état (lefigaro.fr, AFP agence, mis à jour le 28/10/2014 à 15:11, publié le 27/10/2014 à 17:48), on est revenu à une formule plus classique : « cocktails Molotov et jets de pierres ». Mais qu’importe ! Dans l’inconscient collectif, le message est passé. Le mal est fait !

Une machine de désinformation est à l’œuvre, elle se poursuit avec les résultats de la première autopsie de Rémi. Le premier constat est celui de « mort par explosion », mais n’allez pas trop vite en besogne, camarades ! N’allez pas tirer de cela des conclusions hâtives et infondées. C’est en substance ce que nous a dit Monsieur le Procureur d’Albi. Comme chacun sait, en France (dans un état de droit) les forces de l’ordre ne font jamais de tir tendu et ne frappent pas les manifestants sans avoir été elles-même agressées (rappelons nous de Malik Oussekine, tabassé à mort en 1986 par des voltigeurs, c’est un bon exemple), il n’y a qu’a regarder ce qu’ont fait, depuis le début du mois de septembre, les forces de gendarmerie mobilisées à Sivens. Alors si Rémi est mort, c’est sans doute pas la faute d’un gendarme ! Ben non voyons !

Observons les autres hypothèses émises dans le cadre de l’enquête menée par les services du procureur de la république d’Albi :
Rémi avait peut-être des explosifs dans son sac (quelques kilos de TNT probablement), ou alors ce sont ses copains encagoulés qui auront mal visé et l’auront tué avec un de leur cocktail Molotov, mais un gendarme ? Vous n’y pensez-pas ! Impossible !

D’ailleurs, je n’aurais pas été surpris que le procureur, comme le médecin légiste n’a pas trouvé, dans les chairs explosées, de traces de plastique ou de métal, nous annonce que ces deux hypothèses absurdes (je parle de l’explosif dans le sac ou du cocktail Molotov) soient les plus probables.

C’est une alternative à laquelle l’État nous préparait bien que le médecin légiste ait également écrit qu’il n’y avait aucune trace de brûlures dans la plaie. Je ne suis certes pas spécialiste de la question, mais il me semble que cela excluait quand même les deux pseudo-hypothèses que l’on nous a servi pour dédouaner la violence policière qui sévit sur ce site depuis des mois et en France, d’une manière générale, depuis des années.

Mais le pire, ce n’est même pas ça ! Le pire c’est qu’on nous a également raconté dans les médias que : « Le corps du jeune homme avait été découvert dimanche, à deux heures du matin, par les gendarmes : alors qu’ils étaient attaqués par une centaine d’opposants très déterminés, ils avaient éclairé la zone et aperçu le corps du jeune homme à terre. Ils étaient sortis de leur enclos pour le récupérer et lui prodiguer les premiers secours, en vain. » (lefigaro.fr, articles du 26/10/2014, et du 27/10/2014)
Ils ne l’ont pas tué, ils ont cherché à le sauver. Quel acte héroïque ! Que le peuple entier ne se lève-t-il pas pour applaudir des deux mains le courage et la détermination, dans leur mission de sécurité, de ces vaillants chiens de garde de la république ?

Tout cela me dégoûte profondément, je le dis, je le crie et je l’écris. L’assassinat de Rémi me dégoûte. Les propos tenus par les autorités à son égard me dégoûtent et la façon dont cette mort est utilisée me dégoûte. Bientôt, Rémi, victime de la barbarie policière, sera le grand coupable de son meurtre, vous verrez qu’ils traineront dans la boue son image (ils ont déjà commencé) et qu’ils justifieront, par son sacrifice, de nouvelles arrestations et de nouvelles actions violentes sur la ZAD du Testet.

Ça, c’est ce que j’ai écrit avant de connaître les dernières nouvelles accablantes. Tout d’abord, le procureur Claude Dérens à annoncé que des traces de TNT ont bien été trouvées sur les effets vestimentaires de Rémi qui aurait donc été tué par un matériel militaire de type grenade offensive. Le procureur s’est dessaisi du dossier au profit du Parquet de Toulouse.

Un gendarme a donc bel et bien flingué Rémi samedi soir ! Est-ce une bavure ? « Non, il ne s’agit pas d’une bavure. » a répondu ce soir Bernard Cazeneuve sur Public Sénat, allant jusqu’à déclarer qu’« on ne peut pas présenter les choses ainsi ». En annonçant toutefois qu’il suspendait l’utilisation des grenades offensives dans les intervention de gendarmerie.

Alors le pire, qu’est-ce que c’est ? Le meurtre de Rémi prend une nouvelle dimension politique, le gouvernement fait front, Valls défend ouvertement Cazeneuve et les forces de l’ordre. Hollande, qui a tardé avant de s’exprimer, a déclaré vouloir faire « toute la vérité sur ce qui s’est passé durant cette manifestation qui a été violente, j’y veillerai personnellement. » ( Le Monde.fr avec AFP | 28.10.2014 Mis à jour le 28.10.2014 à 17h54) Mais ses déclarations étaient avant tout une réponse aux critiques justifiées de Cécile Duflot et José Bové, outrés depuis dimanche par ce crime et par le silence de l’état.
Reste à savoir ce que fera M. Jacques Toubon, le « défenseur des droits », puisqu’il s’est saisi d’office du dossier...

Victime, coupable, drapeau... que dis-je bannière ! Mon pauvre Rémi... Tout ça me dégoûte, ils n’ont aucune pudeur.

Olivier Hénocque