Conditions de travail à l’hôpital : « La perte de sens et l’épuisement professionnel perdurent »

Dans une lettre ouverte adressée à Marie-Noëlle Gérain Breuzard, directrice générale du CHU de Tours, le syndicat SUD Santé Sociaux d’Indre-et-Loire dénonce la dégradation continue des conditions de travail au sein de l’établissement, et l’inaction de l’encadrement.

Madame la Directrice,

Comme Cassandre, on ne nous a pas écoutés, on ne nous a pas crus !!!Oiseaux de mauvais augure, hier, nous dénoncions les restrictions budgétaires et les projets de restructuration, programmant ainsi la destruction de Notre Hôpital Public. Nous avions prévenu qu’un jour, on compterait nos morts et aujourd’hui, nous assistons, nationalement et quotidiennement, avec horreur à un décompte macabre.

Au printemps dernier, sous un discours faussement empathique, M. Macron nous qualifiait de « héros de la nation », promettant des solutions pérennes afin de rétablir un système de santé devenu moribond sous les coups de sa propre politique. Le SEGUR, unique proposition aux attentes des professionnel·les du soin, ne résoudra en rien nos maux. Une fois de plus, ces gouvernances n’ont apporté qu’une pseudo-réponse financière avec une énième prime, pensant avoir trouvé là, une solution magique. L’espoir était de faire taire la colère des soignants.

Mais voilà, même si une augmentation de salaire est la bienvenue, elle n’est pas la panacée. Et les mouvements de contestations continuent, tant au niveau national qu’au niveau local. Aucune réponse n’a été apportée aux agents, tant en termes d’amélioration de conditions de travail qu’en reconnaissance professionnelle. La perte de sens et l’épuisement professionnel des collègues perdurent. Bien au contraire, votre langage technocratique ou « novlangue ne trompe plus personne. Non, Madame, les agents ne sont pas las. Ils et elles sont dégouté·es de votre non-écoute, de vos mots vides, de votre aveuglement.

« Vous avez privilégié l’intérêt économique à l’humain »

Car derrière votre fiction de « bientraitance » se cache, en réalité, la culpabilisation des agents, du mépris voire de la répression. Lors de nombreuses instances, comme nous l’avons rappelé. Pendant votre cérémonie des vœux en janvier dernier, nous et des délégations d’agents, vous ont alerté. Les conditions de travail que vous nous avez imposées, sont devenues intenables. Les ratios, le lean-management, n’ont fait qu’institutionnaliser une maltraitance insupportable pour celles et ceux dont la vocation première est de prendre soin, les mêmes qui par soucis d’autoprotection préfèrent quitter leurs postes plutôt que de devenir les jouets de cette déshumanisation.

Aujourd’hui, nous vivons un deuxième assaut, pourtant prévisible, de l’épidémie, et comme nous l’avions malheureusement prédit, le départ de ces professionnel·les, la crainte ou le refus d’autres d’intégrer un tel hôpital, nous plongent dans l’incertitude, tout cela associé à un manque de moyens qui ne permettra pas à l’hôpital de tenir.

Et contrairement à ce que vous avez pu insinuer et continuer de déclarer, vous avez vos responsabilités dans cette désaffection de l’hôpital par les futurs soignants car vous avez privilégié l’intérêt économique à une valeur non monnayable : l’humain.

Et cela faisant, vous vous faites complice de la destruction de l’hôpital public en déléguant ses missions à des entreprises privées lucratives (ménage, sécurité, conciergerie et même hébergement avec l’« hospitel ») et en ayant fermé quelques 130 lits d’hospitalisation depuis 2018 participants ainsi à la diminution de l’offre de soins.

Bien évidemment, nous ne pouvons cautionner cette braderie de nos établissements de santé avec le danger que cela induit auprès des usagers et des professionnel·les, nous sommes conscients que nous ne réparerons pas en quelques mois ce qui est détruit depuis des dizaines d’années. Mais l’urgence est d’écouter et de mettre en œuvre les revendications que les agents portent depuis des années afin de réaliser l’impensable : le sauvetage de l’hôpital.