Chronique d’une année scolaire : quand les luttes sociales rentrent dans la classe

Cela fait trois semaines que le mouvement des gilets jaunes agite la France, les médias et la ville de Tours. Après la violente répression des manifestations du vendredi 30 novembre et du samedi 1er décembre, la cour de récréation bruissait.

Dans la bouche des enfants ce matin, j’entends « gilets jaunes », « place Jean Jaurès », « gaz », « grenades », « blessés », « main arrachée »…. Comment expliquer à des mômes que ce qu’ils ont vu à la télé, lu dans la presse, entendu dans la rue, ou vu de leur propre yeux, est la conséquence d’une politique libérale outrancière ? Comment rendre compte de ces images de violences, qui parfois les excitent, parfois les angoissent ? Comment expliquer que la police mutile ? Et même, est-ce explicable ?

Lors de la récréation, ce matin, un groupe d’enfants s’est rassemblé sous le préau et a commencé à défiler en scandant « Macron démission ». Que leur dire ? Ils miment la réalité, ils miment ce qu’ils ont vu, ils miment les adultes.

Comment discuter sereinement en classe de ce qui se passe dehors ? Quand leurs grands frères et grandes sœurs, lycéen-nes, se font gazer. Quand leurs parents parfois portent un gilet jaune, parfois sont militants et engagés dans les luttes sociales.

Il est demandé aux professeurs des écoles dans le cadre de l’enseignement moral et civique de transmettre les principes d’un État démocratique. En France, on a le droit de manifester, sauf en ce moment. En France, on a le droit de circuler librement, sauf si l’état d’urgence est de nouveau déclaré. Il est également demandé d’amener l’élève à comprendre que « deux valeurs de la République, la liberté et l’égalité, peuvent entrer en tension ». Finalement, en relisant ces programmes, je m’aperçois que tout était écrit.

Et je relis cette petite phrase : « Expliquer le sens et l’importance de l’engagement individuel ou collectif des citoyens dans une démocratie. » Alors, je me dis que demain je tenterai de leur rappeler que quoiqu’on nous oppose, il est bon de dire ensemble ce qui nous fâche.

Deca