Budget participatif : l’entretien des collèges du département soumis à un concours de popularité

La participation de nombreux collèges à l’opération « budget participatif » lancée par le département d’Indre-et-Loire témoigne à la fois du mauvais entretien de leurs locaux et de l’évolution de l’action publique locale, sensible aux effets de mode.

Remplacer des livres qui tombent en morceaux, construire un préau pour que les élèves puissent s’abriter de la pluie, réaménager les cloisons des toilettes afin de garantir l’intimité des élèves... C’est le genre de propositions surprenantes qui ont fleuri dans le cadre du premier budget participatif lancé par le conseil départemental d’Indre-et-Loire. Plus de vingt collèges ont soumis des projets, qui pour la plupart semblent relever de l’entretien minimal d’un établissement accueillant des enfants.

Au collège Alcuin de Cormery, les élèves plaidaient pour obtenir un garage qui permettrait de sécuriser les deux roues et les trottinettes, et les abriterait de la pluie. À Joué-lès-Tours, les élèves de l’Arche du Lude réclamaient « des buts en meilleur état », tandis que ceux de Beaulieu espéraient l’achat de mobilier pour la cour de récréation. Deux projets concernaient l’acquisition de livres pour les CDI, d’autres portaient sur l’aménagement de foyers jugés peu accueillants. À Saint-Cyr-sur-Loire, le projet du collège La Béchellerie partait d’un constat assez édifiant : « Le collège ne dispose pas d’espace couvert type préau pour abriter les élèves lors des intempéries ». Au collège Val de l’Indre de Monts, « les cloisons des toilettes des élèves du collège n’atteignent pas le plafond et le plancher ce qui ne garantit pas une totale intimité et qui génère chez certains élèves gêne et peur d’aller aux toilettes ».

Si l’on peut se féliciter que la plupart de ces projets aient été retenus dans le cadre du vote organisé sur le site du conseil départemental, la méthode déployée interroge. En effet, avant d’être sélectionnés, ces projets ont été placés en compétition avec d’autres initiatives allant de la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc à l’organisation de sorties en vélo-cargo pour les résident·es d’un EHPAD. Sous prétexte de « donner la parole aux Tourangeaux » [1] et d’offrir la possibilité de s’exprimer à travers un vote en ligne, des opérations d’entretien d’établissements scolaires sont soumises à un vaste concours de popularité.

Gouvernance citoyenne ?

Le conseil départemental d’Indre-et-Loire est très fier d’être le deuxième département (après le Gers) à lancer une opération de type « budget participatif ». Pourtant, cette pseudo-innovation a déjà largement essaimé : la ville de Paris a un budget participatif depuis 2014, et tous les principaux candidats à la mairie de Tours proposaient de mettre en place un dispositif de ce type. Le Lot-et-Garonne, l’Aude, la Corrèze, etc., s’y sont mis aussi. L’idée consiste à affecter une petite partie du budget d’investissement de la collectivité à des projets « citoyens », les propositions étant ensuite soumises au vote des internautes [2]. Le tout, bien sûr, dans les limites des compétences de la collectivité [3].

Cette nouvelle forme d’action publique peut sembler séduisante, et certain·es prétendent y voir « un renforcement de la gouvernance citoyenne » [4]. Mais l’appropriation de ce dispositif par des structures comme la Banque des Territoires ou des collectivités telles que le département d’Indre-et-Loire, dirigé par le très droitier Jean-Gérard Paumier, renforce l’idée qu’on est face à un nouveau gadget de l’action publique, qui donne l’illusion de la participation et ne vise en aucun cas à renforcer l’implication des citoyen·nes à la prise de décision publique. L’absence d’inscription du budget nécessaire à la réalisation des projets proposés témoigne bien des limites de l’exercice : on est invité à se prononcer sans connaître les contours de telle ou telle proposition.

Notes

[1Il s’agit ici des habitant·es de la Touraine, et non de la ville de Tours. Citation tirée du site du conseil départemental.

[2Toutes les personnes âgées de 18 ans et plus résidant dans le département pouvaient participer au vote organisé par le conseil départemental d’Indre-et-Loire.

[3En 2017, le projet d’une Parisienne consistant à raser le Sacré-Cœur n’avait pas été retenu, malgré de nombreux votes en sa faveur sur la plateforme dédiée.