A Tours, l’abandon des mineurs isolés par les autorités se poursuit

L’État et le conseil départemental d’Indre-et-Loire n’ont toujours pas pris la mesure des moyens à mettre en œuvre pour assurer l’accueil des exilé-es. Dans un communiqué, l’association Chrétiens Migrants revient sur l’évacuation du camp de Saint-Pierre-des-Corps et sur la situation des nouveaux arrivants.

Le 6 septembre 2018, soixante-cinq mineurs non accompagnés (MNA) abandonnés par les pouvoirs publics pendant six semaines au campement de Saint-Pierre-des-Corps ont été évacués. Depuis le 26 juillet dernier, un campement était installé dans le jardin de l’église de l’Assomption, rue Lénine à Saint-Pierre-des-Corps.

Pris en charge par des militants et bénévoles d’Utopia 56 Tours et du Collectif solidaire des réfugiés de Saint-Pierre-des-Corps, ils étaient 65 jeunes abandonnés par l’État et le Conseil départemental qui se renvoyaient l’un sur l’autre la responsabilité de l’accueil inconditionnel prévu par la loi. Seules la municipalité de Saint-Pierre-des-Corps et la paroisse soutenue par le diocèse apportaient leur aide permanente.

Dans l’opinion, mobilisée par la presse, l’installation de ces jeunes mineurs sur le terrain de l’église montrait une certaine idée de la solidarité et de la fraternité que de nombreux citoyens de tous bords manifestaient concrètement. Baptisé « l’Assomption de Lénine » c’était « un campement où renaît l’ espoir ». Mais le temps passait vite et la paroisse souhaitait récupérer son terrain début septembre. Que faire concrètement des 65 jeunes présents au campement ? Les laisser à la rue ?

Chrétiens Migrants avait, sans résultat, saisi les pouvoirs publics le 13 août, pour demander une concertation entre l’État (Préfecture, direction départementale de la cohésion sociale), le Département, leurs sous-traitants, les bailleurs, et toutes les associations de défense des droits des étrangers, y compris celles, militantes, qui sont souvent exclues des dialogues nécessaires mais qui assurent le logement de 200 personnes en Indre-et-Loire .

Le 31 août, à l’issue d’une rencontre entre la préfète et le président du Conseil départemental, ceux-ci annonçaient qu’il y aurait cinq agents de plus à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et 25 places de « mise à l’abri ». Ces dispositions ne concernaient pas les jeunes du campement et ne devaient intervenir qu’en octobre seulement. En outre, il était question de trouver des familles citoyennes pour les héberger. Une solution était enfin apportée ; mais elle était incomplète et ponctuelle !

Le 5 septembre, le Département annonçait à Utopia 56 Tours et au Collectif solidaire des réfugiés de Saint-Pierre-des-Corps que 49 mineurs du campement et 10 mineurs hébergés par Utopia 56 dans des familles seraient pris en charge par l’ASE et logés à l’hôtel (notamment à Saint-Avertin). Dès le lendemain, les transferts ont été réalisés concrètement par le Conseil départemental, en présence des représentants du diocèse et du service des étrangers de la Préfecture, avec des moyens impressionnants. Nous sommes très heureux pour les bénéficiaires mais d’autres jeunes continuent d’arriver et il reste quinze mineurs qui attendent les décisions de leur recours en justice et que personne ne veut prendre en charge.

Refus de prise en charge pour une jeune fille de seize ans

Le mercredi 19 septembre, c’est une jeune fille étrangère de 16 ans sans papiers qui est refusée par l’ASE au prétexte que son récit n’est pas cohérent pour prouver les violences subies et que son aspect ne montre pas qu’elle est mineure. Cette pratique de l’ASE est fréquente, Chrétiens-Migrants a déjà en charge, depuis des mois, deux autres jeunes filles mineures qu’elle a rejetées.

Le Département comme l’État ne semblent pas réellement prendre la mesure de la situation, si ce n’est en affichant des chiffres illisibles et en se rejetant l’un sur l’autre leur responsabilité. Après l’aventure du « Bercail » ce printemps, se défausser de nouvelles fois sur les citoyens, les associations non subventionnées et sur l’Église pour pallier leurs manquements, est-ce acceptable ?

Certes, le problème du « flux migratoire » est plus large et implique une politique nationale et
européenne mais nous, citoyens, militants associatifs et paroissiens de Tours :

  • N’acceptons pas de nous substituer au Département et à l’État et exigeons que ces institutions subviennent aux besoins vitaux de ces jeunes (hébergement, hygiène, nourriture, soins de santé, transport).
  • Refusons ensemble qu’ils soient abandonnés par les pouvoirs publics !
  • Demandons un large dialogue entre les pouvoirs publics et les associations et collectifs pour que la loi qui prévoit la mise à l’abri de jeunes gens soit enfin respectée.

Organisons ensemble la résistance et la solidarité face à l’inacceptable.

Illustration : Un cours de français au campement de Saint-Pierre-des-Corps, par Vanessa Lamorlette-Pingard. Tiré du reportage Les chiffres, les sigles, les personnes. Rencontre avec les jeunes du camp de fortune de Saint-Pierre-des-Corps réalisé par Joséphine Kalache..