Festival du cirque à Tours : un spectacle recyclé, des animaux maltraités

Annoncé au mois de janvier, un festival de cirque sera organisé à Tours à l’automne 2017. Présenté comme une nouveauté, il s’agit en fait du recyclage d’un événement passé, mis en place dans le cadre de la volonté désespérée des élus d’être « attractifs ». Pour l’instant, ils ont surtout mobilisé contre eux les militant-es de la cause animale, qui réclament que ce festival n’accueille aucun spectacle mettant en scène des animaux.

Février 2017. Devant les camions du cirque Pinder, installés pour une dizaine de jours sur le parc des expositions de Tours, des militant-es de la cause animale interpellent les familles venues voir le spectacle. Ils et elles tiennent des affichettes qui dénoncent la cruauté des traitements subis par les animaux de cirque, reprenant notamment le slogan « Les animaux ne sont pas des clowns ».

Des actions contre la souffrance animale

Depuis plusieurs mois, ces militant-s multiplient les actions contre les spectacles de cirque avec animaux. Une pétition pour un cirque sans animaux a été mise en ligne, un courrier type à envoyer aux maires de l’agglo a été rédigé [1], et un rassemblement devant la mairie de Fondettes est organisé le jeudi 30 mars, à l’occasion du conseil municipal, avec le soutien de l’association 269 Life France, qui milite pour la libération animale.

Pourquoi viser le conseil municipal de Fondettes ? Parce que c’est son maire, Cédric de Oliveira, qui a annoncé en janvier 2017 qu’un festival de cirque serait organisé à Tours, sur la plaine de la Gloriette, à la fin du mois de septembre. L’élu est également vice-président de l’agglomération en charge des événements culturels. Ce festival, organisé par Tour(s)plus, est présenté dans le magazine de la collectivité comme « le grand événement culturel 2017 » , « populaire et fédérateur », « une belle surprise (...) à l’intention des Tourangeaux et des visiteurs, petits et grands ». Dans le communiqué de presse envoyé quelques jours avant le rassemblement à Fondettes, l’association 269 Life France réclame que ces spectacles n’impliquent aucun animal, en raison des souffrances physiques et psychologiques ressenties par les animaux dans ces « spectacles mouroirs ».

Des arguments développés dans la pétition qui a déjà récolté plusieurs centaines de signatures :

« Les spectacles de cirque contiennent des numéros imposant aux animaux des exercices contre-nature obtenus au prix d’un dressage reconnu comme étant incompatible avec les impératifs biologiques des espèces. »

« Les conditions de détention et de dressage des animaux occasionnent à ces derniers des pathologies avérées tels des troubles cardiaques, de l’arthrite, des stéréotypies et autres troubles du comportement. »

A ce jour, aucun élu de l’agglomération n’a répondu aux interpellations des militant-es concernant ce festival.

« Une belle place sera laissée aux animaux »

A ce stade, la programmation du festival de cirque n’est pas connue. Dans un article du blog Info-Tours (20/01/17), on pouvait lire :

« Quant à la question de la présence d’animaux, [Cédric De Oliveira] se borne à renvoyer vers la conférence de presse prévue d’ici le printemps pour dévoiler les détails du programme. »

Une manière de botter en touche et de tenter de limiter la casse en matière de communication. Pourtant, l’appel d’offres lancé par l’agglomération pour l’« organisation du festival européen de cirque du Val de Loire (octobre 2017) à Tours » [2] prévoit bien que le candidat devra présenter un « certificat de capacité pour l’entretien et la présentation au public d’animaux vivants non domestiques » . Il est également question d’« une matinée de découverte des métiers du cirque (artistes, dresseurs, soigneurs) [qui] sera offerte aux enfants le samedi matin ».

Dernier élément, le « Programme des animations environnement » couvrant la période de mars à septembre 2017, disponible sur le site de l’agglo. Dans ce document, on peut lire à propos du festival du cirque :

« Une belle place sera laissée aux jeunes talents, aux animaux et à la musique avec la présence d’un orchestre. »

Pour les infos et la billetterie, le programme renvoie vers le site de l’entreprise Imperial Show, spécialisée dans l’organisation de spectacles « clés en mains ». Si la rubrique « Festival international du cirque en Val de Loire » était vide à la date de rédaction de cet article, les rubriques « Festival international du cirque de l’Hérault » et « Festival international du cirque de Corse », parfaitement semblables, présentaient des spectacles mettant en scène des éléphantes, des perroquets, des chameaux et des chevaux. Bien sûr, les organisateurs insistent sur l’« émouvante complicité dans les moindres détails et un plaisir partagé à "jouer" ensemble »(sic).

Déjà un « premier festival international du cirque » à Tours en 2007

Ce festival de cirque, présenté comme une nouveauté par les élus, n’est en fait que le recyclage d’un événement déjà organisé à Tours pendant plusieurs années. De 2007 à 2009, la ville accueillait au parc des expositions un « festival international du cirque de Tours », composé de nombreux spectacles animaliers (tigres, éléphants, etc.). De quoi donner du grain à moudre à l’opposition PS de Tours, qui reproche à la majorité actuelle de ne mener aucun projet qui n’ait pas été initié par Jean Germain. Dans le cadre de ce festival première version, c’est l’ancien maire de Tours en personne qui présidait le jury chargé de récompenser les « meilleurs artistes » — les pauvres se voyaient remettre des trophées réalisés par le sculpteur Michel Audiard. Dans ce jury, on trouvait aussi Jacques Benzakoun (groupe Nouvelle République) et Gilles Bonbonny (France Bleu Touraine), dont les médias étaient partenaires de l’événement. Cela n’a pas empêché ces mêmes médias de laisser entendre que l’événement programmé en septembre 2017 constituait une grande première :

« En septembre prochain, [la ville de Tours] accueillera pour la première fois, un Festival International de Cirque sur le parc de la Gloriette. » France Bleu

« Cédric de Oliveira, vice-président aux équipements culturels, a ainsi annoncé que le premier festival international du cirque en Val de Loire aurait lieu du 29 septembre au 1er octobre 2017 sur la plaine de la Gloriette. » La Nouvelle République

Comme d’habitude, à l’occasion de la troisième édition du festival, La Nouvelle République se félicitait dans ses colonnes du succès de la manifestation dont elle était partenaire. On n’est jamais mieux servi que par soi-même [3].

Une tentative désespérée pour rayonner à tout prix

En juillet 2015, à l’occasion du conseil municipal de Tours, l’adjoint au rayonnement Christophe Bouchet expliquait que la municipalité menait une « politique de rayonnement et d’attractivité » afin que la ville devienne une « capitale » ou « ville-pivot » dans plusieurs domaines. Une position renouvelée à l’occasion du conseil municipal du 11 mars, quand les élus de Tours ont approuvé la transformation de la communauté urbaine en métropole.

Car le drame de la ville de Tours et de son agglomération, c’est qu’elles n’arrivent pas à percer sur le terrain des « capitales ». Nantes a obtenu un label « capitale verte » et a su développer cette image, Marseille ou Lille ont été « capitales européennes de la culture » et ont également su surfer sur cette appellation, même Angoulême parvient à être « capitale de la bande-dessinée ». Rien de tel à Tours, et cela semble désoler les élus en peine de gloire et de retombées médiatiques [4]. Alors, pourquoi ne pas tenter d’être capitale du cirque avec ce « festival international du cirque » [5] ? Ou capitale du journalisme, avec l’installation des Assises du journalisme ? Capitale de n’importe quoi, pourvu que ça ait un peu d’écho.

Si les animaux ne sont pas des clowns, en ce qui concerne les élus, la question reste ouverte.

Notes

[1Il est disponible ici.

[2Il n’était pas encore question de festival « international ». L’appel d’offres, clôturé, est visible sur cette page.

[4Un article de La Nouvelle République (17/08/16) évoque bien « Tours, la capitale de repli », à propos du rôle de capitale tenue par la ville à chaque repli du gouvernement sous l’avancée d’une armée allemande, mais on ne va pas attendre une hypothétique traversée des Ardennes par la Bundeswehr pour rayonner.

[5Et tant pis si l’appellation « festival international du cirque » est également utilisée à Bayeux, Grenoble, Les Mureaux, etc.