« L’eau ne doit pas devenir une marchandise »

Au sein de la métropole, différents modes de gestion de l’eau potable coexistent. Entretien avec le collectif Eau Touraine, qui milite pour que la gestion de l’eau ne soit pas confiée aux entreprises privées.

Dans une lettre ouverte aux élus de la métropole [1], vous vous étiez prononcés pour une reprise en régie publique de la gestion de l’eau potable à Chambray-lès-Tours. Pourquoi ce choix vous semble-t-il préférable ?

Nous partons de l’idée de base que l’eau est un bien commun de l’humanité et qu’elle ne doit pas devenir une marchandise. Les coûts liés à son traitement et à sa distribution dans les habitations doivent donc rester de la responsabilité directe des collectivités qui en ont la compétence. Les sociétés privées qui gèrent ces services ont des compétences techniques réelles, mais leur but est aussi de rémunérer des actionnaires, ce qui n’est pas le cas d’une régie gérée directement par la collectivité. Le coût de ces régies est donc souvent moins élevé que celui des délégations de service public (DSP), même s’il y a des exceptions — c’est le cas de Chambray-lès-Tours.

Il est plus facile d’organiser le contact avec les usagers dans le cadre d’une régie. La transparence sur les financements, la qualité et la protection de l’environnement est souvent meilleure dans une régie, car les élus sont plus proches des habitants que les techniciens d’une société multinationale qui ne sont pas les décideurs directs.

Depuis le 1er janvier 2017, la gestion de l’eau est devenue une compétence métropolitaine. Quelles en sont les conséquences pour les habitants de la métropole ?

Dans un premier temps, les habitants verront peu de différence, car les modes de gestion antérieurs (régie ou DSP) dans chaque commune sera conservé. Dans les communes en régie, c’est-à-dire Tours, Saint-Cyr-sur-Loire, Saint-Pierre-des-Corps et Saint-Avertin, l’eau sera gérée dans une grande régie « eau et assainissement » unique.

Les autres gardent leurs contrats de DSP signés précédemment, et c’est la Métropole qui est en relation avec les sociétés délégataires pour le suivi du service. Le Collectif Eau Touraine restera en veille sur la bonne marche de l’ensemble, ainsi que sur les échéances des contrats, afin d’anticiper leur non-renouvellement. C’est ce que nous avons essayé de faire pour Chambray-les-Tours, mais on nous a répondu que le temps manquait pour intégrer cette ville à la régie nouvellement créée.

Par la suite, nous souhaitons que le service apporté améliore les conditions de fourniture et de distribution de l’eau : entretien des réseaux et leur interconnexion renforcée en cas de crise, protection de la ressource et de la nappe profonde, lutte contre les risques de pollution... ainsi qu’une meilleure information des habitants.

Alors que la gestion en régie semble mieux servir les usagers, certaines communes continuent à faire appel à des multinationales comme Véolia, dont l’activité est pourtant marquée par plusieurs scandales. Comment l’expliquez-vous ?

Les communes ou groupements de communes qui ont déjà délégué leur service craignent le retour en régie car ils ont transféré leurs savoir-faire et n’ont plus de personnel technique compétent. Ils ne souhaitent pas créer un nouveau service en interne qui les obligerait à recruter des agents.

Souvent, à l’échéance d’un contrat, ils font appel à des cabinets pour effectuer une étude et ceux-ci concluent toujours, avec des arguments que nous contestons, que le mode de gestion le meilleur est la DSP. Parfois, le contrat précédent était avantageux sur le plan des tarifs et la commune ne souhaite pas prendre de risque. En fait, cette solution apparaît plus facile à prendre.

Malgré cela, il y a de plus en plus de collectivités qui reviennent à une gestion en régie après une gestion privée. A Saint-Pierre-des-Corps, la régie mise en place génère chaque année plus de 300 000 euros d’excédent, tout en passant toujours des marchés de court terme avec des entreprises sur les aspects techniques.

A l’inverse, la gestion en DSP peut prendre la place d’une régie existante : cela risque de se passer à l’occasion des regroupements de communes avec prise de la compétence de l’eau, lorsque le nombre de communes en gestion privée est majoritaire par rapport à celui en gestion publique. Au sein de la communauté de communes Touraine-Ouest-Val-de-Loire, les communes de Homme et Savigné-sur-Lathan forment un syndicat qui gère l’eau potable et l’assainissement en régie directe, mais la majorité des autres communes ont conclu des contrats de DSP. La compétence de l’eau ayant été intégrée dans les statuts de la nouvelle communauté de communes en décembre 2018, la crainte est grande pour ces deux petites communes de voir leur régie disparaître. Une association a été créée pour défendre l’option publique.

Notes

[1Voir le document en pièce jointe.