Analyse du projet de loi Santé par le collectif Notre santé en danger

Le projet de loi Buzyn [1], relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, va poursuivre le travail déjà engagé par les gouvernements précédents : privatisation de la sécurité sociale d’un côté et marchandisation de la santé de l’autre, tout cela sur fond de politique d’austérité pour tous et toutes ! Analyse de ce texte par le collectif Notre santé en danger.

Mme Buzyn, ministre de la Santé, feint d’avoir compris les problèmes d’accès aux soins liés aux déserts médicaux et annonce la suppression du « numerus clausus » [2]. Mais rien ne sera résolu pour autant, puisque les universités et les ARS (Agences Régionales de Santé) effectueront à leur tour la sélection. Ces dernières, pourtant chargées de répertorier les besoins en territoire n’en tiendront aucun compte, comme aujourd’hui : aucune obligation d’installation ne pèsera sur les futurs médecins, sauf pour celles et ceux qui auront bénéficié du financement d’une partie de leurs études à hauteur de 1 200 € mensuels et qui devront redonner des années en territoires mal pourvus.

Pour nous endormir, on nous parle des « hôpitaux de proximité », qu’on va « labelliser », mais en leur retirant tout ce qui en faisait des hôpitaux ! Pas de service d’urgence, ni de maternité et encore moins de chirurgie. On n’y trouvera plus que de la médecine gériatrique, des soins de suite et de rééducation, en lien avec les médecins libéraux, et s’il n’y en a plus, on pourra sûrement obtenir une consultation de télémédecine et tchatter sur internet. À condition d’avoir un ordinateur et du réseau, il sera aussi possible d’avoir accès à des télé-soins, assurés par des infirmier-es, grâce à des outils connectés, avec des diagnostics par SMS...

Les glissements de tâches du cabinet médical vers la pharmacie vont augmenter : ces dernières vont voir leur rôle de soins de premier recours renforcés (vaccinations, consultations de suivi de certaines pathologies chroniques, suivi des personnes âgées…), aidées en cela par les infirmier-es en « pratiques avancées ».

Les passerelles seront facilitées entre le libéral et l’hôpital. Tout le secteur libéral de santé sera financièrement encouragé à adhérer à des Communautés Professionnelles de Territoire de Santé, censées permettre des parcours de soins public/privé. De toute façon l’accès aux services d’urgence sera de plus en plus empêché : les EHPAD ont d’ores et déjà eu comme recommandation de retarder le plus possible le recours aux urgences et demain il est prévu de rémunérer les hôpitaux qui arriveront à renvoyer les malades sans les avoir vus ! Les soignant-es seront payé-es pour ne pas soigner !

La carte des hôpitaux va être revue par ordonnances et les regroupements se poursuivre. Rappelons qu’à Tours il n’y aura plus en 2040, si les prévisions se réalisent, qu’un seul hôpital : Trousseau. Trois sites doivent disparaitre dans un premier temps : Clocheville, l’Ermitage et la Clinique Psychiatrique Universitaire de Saint-Cyr-sur-Loire, puis Bretonneau dans un deuxième temps.

En clair il y aura une médecine technique et « de pointe » pour quelques très gros hôpitaux, hyper spécialisés, et peu nombreux, des centres hospitaliers où les praticien-nes du secteur libéral pourront exercer comme les hospitalier-es (à quels coûts pour le malade ?), avec moins de lits, moins de soignant-es, et plus d’« Hospitel » [3], et pour le reste chacun-e se débrouillera avec de vrais faux hôpitaux de proximités, une médecine de ville quand il y en aura, et son ordinateur.

Par ailleurs, les données collectées par la sécurité sociale pourront être rassemblées dans une plate-forme et servir pour développer l’intelligence artificielle.

Voilà pourquoi nous appelons à renforcer le collectif Notre santé en danger d’Indre-et-Loire pour défendre l’accès aux soins par du personnel bien formé et en nombre suffisant.

Notes

[1Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 13 février. Son examen à l’Assemblée nationale a démarré le lundi 18 mars.

[2C’est le terme désignant la limitation du nombre d’étudiant-es en médecine, mesure ordonnée depuis 1971 selon la logique erronée reposant sur cette égalité : moins de médecins = moins de demande de soins.

[3L’Hospitel, ou « hôtel hospitalier », désigne un « hébergement temporaire non médicalisé » visant à réduire la durée de séjour à l’hôpital.