Saydouba, Guinéen de 16 ans laissé à la rue à Tours

L’histoire d’un jeune guinéen demandant de l’aide à la gare de Saint-Pierre-des-Corps et dont personne ne veut.

Nous avons rencontré Saydouba, un jeune Guinéen, à la gare de Saint-Pierre-des-Corps. Il nous dit être né en l’an 2000, le 5ème mois, et donc avoir 16 ans. Il n’a pas son passeport, il nous expliquera pourquoi plus tard.

Confiants, nous l’emmenons au commissariat, c’est la procédure pour les mineurs ; ils vérifient que Saydouba n’a pas été fiché avant. Puis ils contactent l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). L’article 20 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant nous rappelle que :

« 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat.

2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalahde droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »

La protection de l’enfance est ouverte aux enfants étrangers de la même manière qu’aux nationaux.

On est super contents, ils vont nous recevoir, écouter son histoire, voir que c’est encore un enfant et le prendre en charge. Mais ce n’est pas ce qui allait se passer…

Après 1h45 dans leurs locaux, où l’on — les 2 accompagnants — a dû attendre en dehors du bâtiment, il est enfin sorti, avec la dame qui l’a reçu en entretien. Elle vient à notre rencontre pour nous expliquer (ou noyer le poisson)…

Saydouba n’a pas de papiers attestant de sa minorité. De ce fait, l’ASE refuse de le prendre en charge, lui donne un papier sur lequel sont écrit ses noms, prénoms et sa date de naissance. Elle nous explique que grâce à ce papier, il peut contacter le 115 pour un hébergement d’urgence.

Beaucoup moins confiants cette fois, on appelle le 115. Et là commence la comédie dramatique. Saydouba ne peut pas être admis au 115 puisque mineur. On est très bien reçu par le 115 mais ils ne peuvent rien faire puisque sur le papier remis par l’ASE, il est mineur présumé, à cause de sa date de naissance.

Pour résumer, l’ASE ne reconnaît pas Saydouba comme mineur, il est donc majeur ? Le 115 ne reconnaît pas Saydouba majeur, puisque l’ASE lui a remis un papier sur lequel il est dit qu’il reconnaît être mineur. Alors ce soir, Saydouba sera à la rue parce qu’il n’est ni mineur, ni majeur, il n’est plus rien.

Le lendemain, dans l’incompréhension la plus totale, on appelle l’ASE en leur expliquant la situation et en leur demandant de lui faire un papier attestant que si Saydouba n’est pas mineur, il peut alors être considéré en majeur et traité comme tel. Après presque une heure de discussion, aucune solution ne sera trouvée et Saydouba sera laissé à la rue dans l’indifférence la plus totale.

Il est tout seul, il a 16 ans, a traversé au moins six pays et la Méditerranée…

Illustration : Caroline Léna Becker