Salaires au rabais, heures non payées... les chauffeurs de Vortex manifestent devant le Conseil départemental

Les salariés en charge du transport scolaire de personnes handicapées pour le compte du Département, dénoncent leurs conditions de travail depuis que leur mission a été reprise par le nouveau prestataire, la société Vortex.

Les problèmes ont commencé dès la rentrée scolaire, avec des chauffeurs
sans véhicules qui n’ont donc pas pu prendre en charge les enfants (une cinquantaine est restée sur le carreau). La direction de Vortex avait mis ça sur le compte de salariés démissionnaires, sans apparemment s’interroger sur les raisons de ces démissions.

Salaires au rabais, heures non payées, véhicules dans un état médiocre...

Mais la situation ne s’est pas améliorée avec le temps : « On n’a jamais vu un bordel comme ça », témoigne une salariée qui a dix ans d’ancienneté et a vu se succéder les prestataires (Alphacars, VAD, Keolis, Veolia-Transdev...). Les salaires du mois de septembre ont été versés avec plusieurs jours de retard, et certains chauffeurs attendent toujours leur paye à la mi-octobre. Tous les salariés dont le contrat a été repris par Vortex ont observé une baisse de leur salaire horaire, passé à 10,11 euros, contre 10,31 euros précédemment (et 10,51 pour les salariés les plus anciens). La plupart ont constaté que des heures de travail, voire des journées, n’avaient pas été comptées. Au final, beaucoup d’entre eux se retrouvent avec une perte de salaire mensuel pouvant avoisiner la centaine d’euros sur des paies déjà maigres, qui tournent entre 400 et 900 euros.

Les nouveaux embauchés, souvent plus chargés en heures que les anciens, ont dû payer de leur poche la visite médicale obligatoire ; certains l’ont passée après plusieurs jours de roulage. Il arrive régulièrement que les salariés soient amenés à avancer de leurs poches des prestations.

Lire le témoignage de A., 59 ans, conductrice pour 432 euros par mois : « on veut pas rester avec Vortex, c’est des requins ».

Pour le mois d’octobre, il est dit que la paie concernera seulement les jours travaillés ; avec les vacances scolaires, cela ferait donc seulement 15 jours payés, alors que dans les boîtes précédentes un lissage du temps de travail était fait sur l’année, permettant une base garantie mensuellement.

À la mi-octobre, les chauffeurs n’ont toujours pas de téléphones professionnels, normalement indispensables pour pouvoir vérifier en temps réel la prise en charge des élèves ; d’ailleurs le suivi des élèves par Vortex repose beaucoup sur les chauffeurs, qui s’aperçoivent parfois qu’ils sont plusieurs à devoir prendre en charge le même élève en même temps.

De nombreux véhicules utilisés sont en état médiocre ; des chauffeurs sont amenés à rouler sans le contrôle technique, voire même sans les papiers du véhicule. Il arrive que des circuits fassent faire aux élèves des trajets de plus d’une heure. Certains salariés refusent ces conditions, mais la pression est mise pour qu’ils acceptent. En termes de qualité de service, on est loin des promesses faites par Vortex au Conseil départemental d’Indre-et-Loire, qui comprenaient la mise à disposition d’un parc automobile neuf et des temps de trajets ne dépassant pas une heure pour les élèves.

Moins-disant tarifaire et moins-disant social

Ce mardi 13 octobre, une quarantaine de chauffeurs salarié-es de Vortex étaient réunis devant une annexe du conseil départemental, rue Étienne Pallu. Ils voulaient interpeller les élus, qui ont confié le marché du transport des élèves et étudiants en situation de handicap à Vortex, après que cette entreprise ait présenté une offre 20 % moins chère que ses concurrents.

A en croire les multiples témoignages et articles disponibles sur le net, il apparaît clairement que ce moins-disant tarifaire est rendu possible par des contournements de la réglementation du travail. Le journal L’Humanité (auquel l’entreprise a promis de porter plainte pour diffamation) rapportait dans un article de juin 2015 :

« Chez Vortex, les heures passées à l’entretien du véhicule (contrôle technique, révision, etc.) ne sont illégalement rémunérées qu’à hauteur de 25 %. Et si l’enfant transporté habituellement à l’école est malade, parti en classe verte ou que la préfecture interdit le transport scolaire pour cause d’intempéries, le salaire saute ! Quand c’est un chauffeur qui est malade, Vortex ne rechigne pas à lui demander de se faire remplacer au pied levé par un proche, sans que celui-ci ne soit déclaré et agréé par la préfecture. Vortex semble tout aussi « flexible » face à l’obligatoire visite médicale d’embauche à réaliser au cours de la période d’essai. »

D’ailleurs, le 28 septembre, le PDG de l’entreprise, Guilhem Sala, était convoqué devant le tribunal de police de Villeurbanne (Rhône) « pour répondre de 22 infractions relevées par l’inspection du travail liées à l’emploi de personnel roulant au-delà de la durée maximale de la journée de travail. Auxquelles s’ajoutent 12 infractions liées à l’emploi de personnel roulant sans repos quotidien suffisant. Et encore 39 infractions pour emploi de salariés à temps partiel pendant les heures complémentaires sans majoration de salaire conforme au Code du travail. »

Dans plusieurs départements, depuis 2013 et jusqu’à présent, des procédures judiciaires contre Vortex sont engagées, et des conflits sociaux éclatent. Plusieurs procès-verbaux de l’inspection du travail, dans l’Essonne, le Rhône, ou la Vienne, ont notamment été dressés pour travail dissimulé.

Vu le nombre de témoignages sur les pratiques de Vortex, on ne peut qu’être surpris que le Conseil départemental ait décidé de confier le marché à une telle boîte. Une simple recherche Google aurait dû mettre en garde les élu-es, qui doivent maintenant faire face à la colère des salarié-es et des parents d’élèves.

Lors du rassemblement du 13 octobre, quatre chauffeurs de Vortex ont été reçus par un employé du Conseil départemental. Une nouvelle réunion est prévue le 28 octobre.

Illustration par Frédéric Bisson.