Gilets jaunes, acte IV : la préfète renvoie ses flics casser les manifestants

La manifestation organisée en centre-ville de Tours ce samedi après-midi a réuni pas loin de 5000 personnes. Pas un flic en vue pendant près de trois heures. A 17h, pourtant, les manifestants ont été gazés et chargés pendant une heure et demie. Retour sur la journée.

Renfort d’une cinquantaine de gardes mobiles. Les chaînes des bites de la place Jean Jaurès enlevées. Les palissades de chantier du tribunal de justice retirées. Des flics qui passent dans les boutiques autour d’Anatole France pour avertir les commerçants des possibles problèmes du samedi après-midi. Pour le troisième samedi d’affilée, et après la répression violente de la semaine dernière, les flics de Tours avaient tout prévu.

Une mobilisation massive et hétérogène

Les manifestant·es se sont retrouvé·es vers 14h place Anatole France. D’abord plusieurs centaines, et puis au moment du départ, une demi-heure plus tard, ce sont plusieurs milliers de personnes qui descendent la rue des Tanneurs. La foule est assez bigarrée, l’ambiance est plutôt bonne.

Tout le monde n’a pas de gilets jaunes, et on reconnaît beaucoup de camarades. On entend quelques Marseillaises qui ne font pas l’unanimité, et toutes sortes de chansons sorties des téléphones ou des enceintes, d’une reprise de Manu Chao sur le thème des gilets jaunes à Kopp Johnson. Le seul slogan qui fédère est « Macron, démission ! », repris de nombreuses fois. Il y a un witch bloc, des pancartes écolos, une cornemuse applaudie avec enthousiasme...

Arrivée boulevard Béranger, la manifestation, qui désormais agglomère pas loin de 5 000 personnes, croise celle pour le climat. Pas de convergence prévue, et cette seconde manifestation continue son chemin sous les applaudissements nourris des gilets jaunes. A Jean Jaurès, les slogans se diversifient, et on peut entendre des « Voleurs, menteurs, qui sont les vrais casseurs ? ». La manifestation se déplace jusqu’à la gare où, par crainte d’un envahissement, la sécurité ferroviaire n’avait laissé qu’une seule entrée ouverte — et bien gardée. La foule continue sa marche en passant devant la cathédrale, les bords de Loire, pour revenir vers la place Jean Jaurès via la rue Nationale. Plus de la moitié des boutiques avaient fermé leurs rideaux avant le passage du cortège.

Vers 16h30, une partie des manifestant·es rassemblé·es devant la mairie se dirigent vers la préfecture. Le dispositif des flics est léger : une bagnole de baqueux en tenue de maintien de l’ordre, le visage caché par des passe-montagnes, et quelques cars de gendarmes mobiles dans une rue adjacente, mais discrets. La foule grossit progressivement, tout est calme. Une banderole est accrochée aux grilles de la préf’, certain·es scandent : « Tous à la pref pour récupérer l’ISF ».

« On vous souhaite tout le bonheur du monde »

Alors qu’on s’ennuie un peu, aux alentours de 17h, des flics se déploient en haut de la rue de Buffon et dans la rue de la Préfecture. Mécaniquement, cela entraîne un mouvement vers Jean Jaurès : on craint la nasse. Et puis les flics tirent les premières lacrymo sur la place, qui se vide assez rapidement. La foule exprime avec des mots un peu vifs son désamour de la police. Au même moment, rue Nationale, un flic lance « Dégagez, zone de guerre » pour toute sommation. Une minute après, la rue Nationale est sous les gaz, entrainant un mouvement de foule vers la place Anatole France. Les personnes réfugiées dans les magasins doivent sortir par l’arrière.

Les flics vont dégager progressivement l’avenue commerçante avec tous types de projectiles. Les gens refluent plutôt calmement vers Jean Jaurès, on sent que les gilets jaunes gagnent en expérience, on fait tourner le sérum physiologique. Au pied de l’hôtel de ville, une sono balance « Nique la police », ça motive. L’ambiance est plutôt bonne, personne n’a envie de laisser le terrain aux flics, malgré leurs efforts. Certain·nes en profitent pour rendre aveugles la caméra de la mairie et celle au centre de la place, c’est pas du luxe. Par contre, la sono de Noël de la ville continue à balancer des tubes de merde. Dans le contexte, « On vous souhaite tout le bonheur du monde », c’est le comble de l’absurde. Ou du cynisme.

Au bout d’un moment, les gendarmes mobiles déboulent dans la rue Nationale, complètement vidée. Après une période de calme, ils tirent quelques lacrymos : on se fout de leur gueule, ils tirent beaucoup trop loin, ça atterrit sur les terrasses. Mais on n’a pas ri longtemps : juste avant 18h, d’autres flics débarquent par l’Est de la place et se mettent à canarder à tout-va. L’air devient vite irrespirable et tout le monde reflue.

Traquenard

Les flics avancent au rythme des tirs de lacrymo. Certain·es manifestant·es se barrent par la rue de Bordeaux, d’autres descendent l’avenue de Grammont. Il reste encore pas mal de monde. Des flics s’engagent dans la rue de Bordeaux avant d’en bloquer les deux issues ; plus tard, ce sont des gendarmes mobiles le doigt sur la gâchette qui garderont le secteur de la gare. Des fourgons descendent l’avenue et repoussent progressivement la foule, direction Liberté. Les tirs de LBD40 et les tirs tendus de lacrymo augmentent en nombre. Du même coup, quelques vitrines sautent et deux bacs à verre sont renversés. Certains tentent de balancer des bouteilles sur les flics, mais la distance entre flics et manifestant·es est un peu trop grande.

Quand les manifestant·es présent-es sur l’avenue arrivent à Liberté, ils découvrent que des flics les y attendaient : traquenard. Tout à coup ça canarde dans tous les sens. Tout le monde s’engouffre dans la rue Michel Colombe et se disperse dans les Prébendes.

Quelques enseignements. 1/ Encore une fois, ce sont les flics qui ont ouvert les hostilités. 2/ Le calme de la manifestation dans la rue Nationale montre bien à quel point le discours martelé par la préfète pour justifier les violences policières du 1er décembre était bidon. 3/ Les chiffres annoncés par les autorités concernant le nombre de manifestant·es finit de les ridiculiser. 4/ Une crise politique est bien en cours, le pouvoir est aux abois.

P.-S.

On n’a pas trop d’infos sur les personnes blessées ou interpellées, n’hésitez pas à nous écrire si vous en avez.