Municipales : La gauche alternative s’organise

Le 17 décembre au soir, une réunion était organisée au Centre de vie du Sanitas par la liste « C’est au Tour(s) du peuple ! », liste "pour une alternative de gauche, sociale et écologique". L’événement était à mi-chemin entre la réunion publique et la réunion de travail.

Autour de la table, des militants du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), du PG (Parti de Gauche), d’Ensemble (qui réunit les petits partis du Front de Gauche), des acteurs associatifs, quelques syndicalistes, et Claude Bourdin, conseiller municipal de Tours qui a récemment claqué la porte du PS. Le projet de liste est né en juin, autour de la volonté de construire une liste alternative à gauche en vue des municipales de 2014. Mais l’ambition de ce projet a rapidement été circonscrite par le refus du Parti Communiste (qui fera campagne avec le PS) et d’Europe Ecologie-Les Verts (qui fait bande à part) d’y participer.

"Halte à la Germanopolis"

Plusieurs intervenants ont vivement critiqué la politique menée par le Parti Socialiste, tant au plan national qu’au niveau local. Une politique considérée comme similaire à celle menée précédemment par l’UMP, qui constituerait un terreau pour l’extrême-droite (le Front National aimant fustiger le "système UMPS"). Au niveau de Tours, la gestion de la ville par Jean Germain, qualifié de "maire devenu autocrate", "à la tête d’un système vertical", a fait l’unanimité contre elle. Au premier chef, il lui a été reproché de ne pas associer les habitants de la ville aux prises de décisions et de n’avoir accordé que des pouvoirs et des moyens dérisoires aux Comités de la Vie Locale (CVL). Naturellement, les premières propositions de la liste ont donc porté sur l’introduction de nouvelles pratiques démocratiques à Tours : conseils participatifs ayant de réels pouvoirs avec un budget conséquent, référendums décisionnels locaux, etc.

Jean Germain a également été critiqué pour son recours aux partenariats public-privé, qui se sont développés dans tous les domaines : culture, éducation, loisirs, urbanisme... Le soir où Carla Bruni et Nicolas Sarkozy se donnaient en spectacle au Vinci, la gestion de la salle a été fustigée par un intervenant qui regrettait qu’elle soit sous-exploitée et gérée à des fins purement mercantiles.

Etiquettes partisanes contre citoyens

Un certain nombre de participants à la réunion a suggéré de mettre en avant la composante "citoyenne" de la liste, et a vanté les vertus de la démocratie participative, de la démocratie élaborative (on a pas bien compris la différence), et de l’amateurisme en politique. Un amateurisme qu’il s’agirait de revendiquer, histoire de désarmorcer la méfiance croissante de la population vis-à-vis des élus ou des partis politiques. Et un amateurisme qui permettrait d’inventer de nouvelles manières d’intervenir dans l’espace public. L’idée de mettre en avant l’étiquette "citoyenne" au détriment des organisations politiques a rencontré un certain scepticisme du côté des partis, qui ont rappelé qu’ils apportaient un financement, une expérience, et un ancrage national. Ils ont aussi fait observer que la présence de différents partis de la "gauche radicale" sur la liste témoignait d’une capacité à s’unir intéressante pour lancer une dynamique collective.

Besoin de clarté

En tous cas, la question de l’identité de la liste devra être tranchée. En l’état, un manque de clarté semble se poser. Une intervenante a ainsi déclaré : "Moi, le tract, on me le donne, je le mets à la poubelle. Là, je ne sais pas ce que c’est, j’ai l’impression qu’on veut me faire acheter un truc. La formulation "Tour(s)", ça fait pub, ça me gonfle". Elle a aussi critiqué l’accent mis, au cours de cette première réunion, sur les propositions en matière culturelle, "alors qu’il y a des gens qui n’ont pas de quoi bouffer". Une critique pertinente, car à trop mettre l’accent sur des projets culturels, la liste risque d’offrir un axe d’attaque facile aux concurrents — on entend déjà l’adjectif "bobo" voler.

Un intervenant a aussi fait remarquer, en parlant de sa situation, que le citoyen qui traverse la ville le matin et le soir le nez dans le guidon n’a pas le temps de s’intéresser aux concepts politiciens, affaires et débats idéologiques qui animent les militants. Pour toucher la population, les candidats de la liste "C’est au tour(s) du peuple !" devront faire preuve de beaucoup de pédagogie et surtout avancer des projets concrets ancrés dans le local. Le risque étant, au vu de la forte présence d’acteurs culturels membres de "Ohé du Bateau" [1] et du "Collectif de soutien aux cinémas indépendants" [2], de trop mettre en avant la défense de ces projets (bien qu’importants) pour marquer l’opposition avec Jean Germain, au détriment de sujets qui touchent plus le quotidien des tourangelles et tourangeaux (emploi, pouvoir d’achat...).

Si les principes fondateurs de la liste (ouverte, sociale, écologique) et si des éléments de programme ont déjà été définis, il reste donc un certain travail à mener pour déterminer une identité et des propositions claires. A régler également, la question de l’attitude à adopter au deuxième tour de l’élection, ce qui risque d’entraîner de rudes débats entre les tenants d’un refus net à appeler à voter pour Jean Germain et ceux pour qui il faudra décrocher des postes, sous peine que le travail mené ne serve à rien.

Matfanus et tom

P.-S.

Le site internet de la liste : autoursdupeuple2014.com

Article du blog Du trash et des baisers à propos du départ de Claude Bourdin du Parti socialiste : Avoir le courage de ses convictions

Notes

[1Collectif pour la reprise de la salle de concert le Bateau Ivre

[2Comprenant notamment les cinémas Studios, ce collectif milite pour la création d’un "Pôle de l’image indépendant" à Tours Nord, en lieu et place du projet de cinéma qui a eu le soutien de la mairie