Lutte contre l’agression publicitaire : le Déboulonneur condamné

Parmi les quelques membres des Déboulonneurs ayant participé à l’action de barbouillage du 14 mai 2012, seul Xavier Renou a été poursuivi. Le tribunal correctionnel l’a condamné à 200 euros d’amende et à 149,50 euros de dommages à verser à l’entreprise JCDecaux.

Des bombes de peintures avaient été utilisées par les militants pour dénoncer l’agression publicitaire. Des tags sur un abribus : "La pub m’agresse", "Stop pub". Arrêté par les flics, Xavier Renou [1] avait reconnu les faits et était poursuivi pour avoir détérioré un bien « destiné à l’utilité ou à la décoration publique ». Une qualification qui laisse songeur, puisqu’elle laisse entendre que les panneaux publicitaires qui prolifèrent dans les villes et le long des routes participeraient à la décoration de l’espace public.

Renou a expliqué que les tags avaient été faits à l’occasion d’une action de désobéissance civile. Il a rappelé que nous étions confrontés à une moyenne de 3 000 messages publicitaires non sollicités chaque jour, et que les voies légales de résistance à l’agression publicitaire [2] ne suffisaient pas à enrayer le flot des panneaux de pub. Il a également rappelé que la pub était un fléau, vecteur d’une idéologie qui pousse à consommer sans penser aux conséquences sociales et environnementales de cette consommation, et qui réduit les femmes à des arguments d’achats. Enfin, Renou a rappelé que l’entreprise JCDecaux écrivait elle-même les textes de lois relatifs à la publicité, ce qui montrait bien qu’il était nécessaire de lutter contre la pub par des moyens sortants du cadre légal.

Pour appuyer sa demande de relaxe, Renou a présenté à la présidente du tribunal une copie d’un jugement du tribunal correctionnel de Paris — il a déclaré qu’il s’agissait d’un arrêt de la Cour d’appel, mais si l’on en croit le site des Déboulonneurs, il s’agissait bien d’un jugement du tribunal. Celui-ci avait relevé que les barbouillages des Déboulonneurs relevaient de la liberté d’expression, et que l’exercice de cette liberté avait une valeur supérieure au texte réglementaire sur lequel s’appuyaient les poursuites [3].

Néanmoins, le tribunal de Tours a décidé de requalifier les faits, les faisant passer du domaine de la contravention à celui du délit. Par conséquent, le militant antipub a été condamné à 200 euros d’amende, et à verser 149,50 euros de dommages à JCDecaux. Xavier Renou a indiqué qu’il ferait appel de cette condamnation.

A noter que, parmi les autres affaires présentées ce matin, trois personnes étaient poursuivies pour vol en réunion dans un supermarché. Leur avocat a fait remarquer au tribunal que ces trois personnes étaient demandeurs d’asile, qu’il leur était impossible de travailler sur le territoire français, et qu’elles devaient vivre avec une allocation de 324 euros par mois. Il a alors critiqué la tentation que l’abondance de marchandises pouvait entraîner dans une société de consommation qui laisse certains de ses membres dans la misère. La procureure, elle, a préféré dénoncer "la criminalité venue d’Europe de l’Est", montrant qu’il est plus facile de faire du racisme bas de gamme que d’élaborer une réflexion sociale.

La prochaine fois, on assistera peut-être au procès du capitalisme...

Notes

[1Parfois surnommé affectueusement « Xavier Relou » par ceux qui contestent ses méthodes, cf notamment http://paris.indymedia.org/spip.php?article12316

[2Par exemple, celles utilisées par l’association Paysages de France http://paysagesdefrance.org/

[3« Seules les atteintes à l’ordre public établies par la loi peuvent limiter la liberté d’expression et d’opinion. En l’espèce, l’article R. 635-1 du Code pénal interdit de dégrader le bien d’autrui, même légèrement ; mais il ne s’agit pas de la loi, mais d’un règlement, qui apporte ainsi une limite à la liberté d’expression. Les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la loi, la Constitution et les textes internationaux sont indubitablement d’une force supérieure à un texte réglementaire définissant une contravention, comme l’article R. 631-1 du Code pénal. » La décision est disponible ici : http://www.deboulonneurs.org/article656.html