Le Feb’vot jardin, quelques mètres carrés d’utopie

L’année dernière, après réflexions et discussions, des membres du collectif tourangeau de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont décidé de squatter un jardin abandonné pour le transformer en potager. Petite histoire d’une expérience éphémère qui pourrait donner envie à d’autres d’en faire autant.

Aujourd’hui, si vous passez au 148 boulevard Jean Royer, vous apercevrez autour d’une maison abandonnée des palissades de chantier, et peut-être bientôt plus rien, avant que ne soit reconstruit un autre bâtiment. C’est à cet endroit, et plus précisément dans le jardinet de cette maison, qu’a existé pendant quelques mois le feb’vot jardin.

L’idée était partie d’une réflexion autour de l’action locale en lien avec le soutien contre l’aéroport. Comment aborder concrètement et dans notre ville les questions liées à cet aéroport, que ce soit la réappropriation des terres en friches ou des savoirs-faire, les questions d’habitation et de promotion immobilière. Il y avait aussi l’envie de prendre plaisir à construire quelque chose collectivement, pour ne pas rester dans le nécessaire mais peu satisfaisant schéma tracts/manifestations/tables d’information.

Des camarades, en se promenant dans Tours, avaient repéré le terrain. Un appel a ensuite été lancé à tous ceux présents sur la liste mail du collectif ainsi que sur d’autres réseaux locaux, et nous nous sommes retrouvés plus d’une vingtaine dans la matinée du 8 juin, à débroussailler, retourner la terre et planter ou semer ce que nous avions récupéré, sans être à aucun moment gêné par des policiers ou autres empêcheurs de tourner en rond.

Durant le temps qu’a duré cette expérience, plusieurs personnes motivées ont aménagé le lieu pour qu’il soit plus pratique et moins impersonnel. Ainsi, des poubelles à roulettes, trouvées sur place et servant au départ à aller chercher de l’eau place de Strasbourg, se sont transformées par un système simple et ingénieux en récupérateurs d’eau de pluie. Des palettes ont servi à fabriquer un bac à compost régulièrement approvisionné. La cave a permis de stoker quelques outils récupérés, et certains ont même commencé à nettoyer la maison, qui était pourtant dans un état décourageant. D’autres, aux dons artistiques plus développés, ont joyeusement décoré les murs décrépits de dessins et de messages.

On a taillé un arbre pour que le jardin ait plus de lumière, créé un chemin balisé de pierre et un panneau « feb’vot jardin »... Bref, le lieu prenait vie, entraînant dans son sillage des idées foisonnantes : et si on utilisait la maison pour faire un lieu alternatif ? et si on détruisait un bout de mur pour faciliter l’accès et donner plus envie aux gens du quartier de passer voir ?

Un jardin pour faire du lien ?

Dès le début du projet, l’idée était de créer du lien avec les habitants du quartier, pour pouvoir les rencontrer et échanger, et pour qu’à terme ce soit leur jardin, le but étant qu’ils viennent s’en occuper et qu’ils puissent librement, sans rendre de compte à personne, piocher dans les légumes selon leurs envies.

Sur ce point, on peut dire que les résultats ont été très mitigés. Si le jour de la création, certains voisins qui sont passés voyaient notre projet d’un bon œil et nous ont même proposé outils et eau pour arroser, le pique-nique que nous avons organisé la semaine suivante n’a attiré qu’une ou deux personnes du quartier, et ce malgré une invitation déposée dans chaque boite aux lettres à 500 mètres à la ronde. Leçon déjà connue mais qui s’est rappelée aux mémoires ce jour-là : créer du lien avec des inconnus demande du temps et un investissement régulier et durable.

L’activisme, et après ?

On touche ici une des failles de cette initiative, et qui se retrouve régulièrement lorsque des dynamiques militantes se lancent : la difficulté de faire de l’action sur le long terme et avec régularité, avec tout ce que ça implique comme contraintes et comme engagements. Car pour ce jardin, si les débuts avaient créé de l’enthousiasme et attiré du monde, seule une poignée de personnes a continué par la suite, au fil des semaines, à venir régulièrement pour en prendre soin.

Les récoltes n’ont pas été foisonnantes, mais cela a permis une réflexion sur les limites de l’action d’éclat dans la construction d’un rapport de force militant. En effet, si ces actions ont leur importance, elles restent des coups d’épée dans l’eau si elles ne permettent pas de créer des liens durables, et notamment avec des gens extérieurs a priori au monde militant. Une réflexion qui devrait être celle de tous les mouvements contestataires, qui peinent souvent aujourd’hui a allier lutte politique et action sociale de terrain, comme l’ont fait les bourses du travail du début du XXème siècle ou comme le font encore les centre sociaux autogérés.

Alors quoi au final ?

Malgré la courte durée de cette expérience, il en reste de bons souvenirs, l’envie de recommencer ailleurs un jour ainsi que des bases de jardinage pour ceux qui n’y connaissaient rien. Et les tomates que nous avons ramassées étaient très bonnes...

Gunnar Tartiflon