1er mai à Tours : témoignages de militants dans les années 20

Le 1er mai n’a pas toujours été un jour férié. A l’origine, il s’agissait d’une date internationale de grèves et de manifestations pour la conquête de la journée de huit heures. En France, cette revendication est conquise en 1919, et le 1er mai 1919 est officiellement chômé. Ce jour-là, 15 000 personnes manifestent dans les rues de Tours.

Dans les années qui suivent, la mobilisation sera plus faible, notamment en raison de la scission de la CGT. Voici quelques témoignages de militants syndicaux qui racontent leur 1er mai.

1926

« 1926 fut ma première participation au 1er mai. Nous sommes partis de l’entreprise seulement trois apprentis. Là aussi, j’étais très fier, mais pas tellement rassuré sur ce que seraient les conséquences de cette participation, sur la suite du contrat d’apprentissage. Ces conséquences se sont traduites par un lavage de tête maison du "prote" (nom donné dans l’imprimerie au chef d’atelier), une paire de claques administrée par ma mère et en douce les félicitations de mon père. »

Henri Maurice

1928

« Dans l’atelier où j’étais apprenti, le 1er mai, comme partout à Tours, on travaillait. Dans la boîte, nous étions une douzaine. Il y a avait un ouvrier, Baron Lucien, cheminot révoqué à la suite des grèves de 1920, réintégré dans les derniers. C’était un super ouvrier, ancien apprenti de Penhoet ; lui ne travaillait pas le 1er mai.

Ce matin-là, il était à l’embauche ; les autres compagnons se lançaient des coups d’œil moqueurs ; nous, les apprentis, qui l’admirions pour ses prises de position, nous étions choqués.

Il rentre dans l’atelier avec un petit paquet sous le bras, enveloppé dans un journal, met ses bleus, prend une échelle, grimpe dans les poutres au sommet de l’atelier avec son paquet, développe une oriflamme rouge frappée d’une faucille et d’un marteau, l’accroche et redescend, se lave les mains, quitte ses bleus et s’en va.

Scandale du patron : à son arrivée, il donne l’ordre de décrocher l’oriflamme ; seul le contremaître s’en charge.

Le lendemain, à l’embauche, Lucien met ses bleus et s’assoit sur un tas et, au contremaître qui lui demande de travailler, il répond : "Quand on m’aura rendu mon drapeau." Ce qui fut fait.

Les ouvriers sont muets ; nous, les arpét’s, on est admiratifs. Il faut dire que ce camarade, comme je l’ai dit plus haut, était un ouvrier d’exception, aussi bien manuel que traceur difficile à remplacer. »

François Louis

1929

« En 1929, c’était déjà la crise. Venant de sa campagne poitevine, à la recherche de travail, ma famille avait émigré en Touraine. J’habitais avec mes parents une cité en bois, constituée de baraquements qui, à l’origine, étaient occupés par les prisonniers allemands de la guerre 14-18. Ces baraquements étaient à cheval sur le ruisseau de l’Archevêché près du canal et du pont de chemin de fer à Saint-Pierre-des-Corps.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, les gardes républicains à cheval ont véritablement encerclé l’usine Rimailho. Le bruit et la présence de cette police montée avait beaucoup frappé mon imagination de gosse. C’était mon premier 1er mai en Touraine, et mon premier contact avec la réalité ouvrière. »

René Blanchard

P.-S.

Témoignages tirés du livre La CGT en Indre-et-Loire, VO Éditions - Institut CGT d’histoire sociale. Illustration : le 1er mai 1919 à Tours.