L’Université de Tours célèbre le « mérite » et la phallocratie

Le 6 décembre dernier, Loïc Vaillant, Président de l’Université François-Rabelais de Tours et Nathalie Albert, Madame LE Doyen de l’Unité de Formation et de Recherche Droit, Économie et Sciences sociales organisaient, sur invitation, une "cérémonie de mise à l’honneur des meilleurs étudiants de toutes les licences et masters de la faculté"

Pour la troisième année consécutive était organisée une cérémonie de remise des diplômes d’honneurs aux « meilleurs étudiants ».

« Dans un amphi comble, les 32 mieux classés de l’UFR de droit, économie et sciences sociales ont été célébrés comme il se doit. » La Nouvelle République, souligné par nos soins, le 13/12/2013.

La méritocratie : une (vieille) tradition assumée.

La culture du mérite à l’Université n’est pas, en soi, une nouveauté mais sa récente mise en scène, par le biais de cérémonies pompeuses à l’américaine, indique un changement notoire dans les représentations. L’Université de Tours semble s’assumer comme « instrument démocratique de la mobilité sociale »  [1], se gardant pourtant bien d’évoquer le rôle du système scolaire dans la reproduction des inégalités sociales [2].

Depuis 2011, une cérémonie du même genre est organisée pour la remise des diplômes de doctorat. Pour l’occasion, le confortable amphithéâtre Thélème du site des Tanneurs est réquisitionné, les présidents d’UFR et des Écoles Doctorales arborent robes et chapeaux « traditionnels » aux couleurs différenciées, des diplômes-parchemins ainsi que des médailles d’argent sont remis aux jeunes docteurs. La cérémonie, qui coïncide avec les vœux annuels du Président, est retransmise chaque année en direct sur le site de l’Université.

Tradition Phallocrate

L’institution universitaire est-elle une enclave protégée de la question du sexisme ? La tentation de répondre par un grand « oui » est grande : la recherche est un milieu qui bénéficie d’une certaine autorité, d’un prestige social. Côté sexisme, les universitaires, comme les députés et d’autres individus appartenant aux « hautes sphères » de la société, ont eux aussi un train de retard. Le sexisme est en effet loin d’être l’apanage des classes populaires ou des groupes minoritaires et les tentatives de botter en touche sur le sujet révèlent souvent une incapacité à porter un regard critique sur soi, sur son quotidien.

Aucun mot donc sur le soutien que l’Université apporte à cette culture phallocrate, plus traditionnellement ancrée et célébrée, en particulier sur le site des Deux-Lions. Parmi les « meilleurs étudiants » récompensés dans ces cérémonies, l’Université compte un certain nombre d’adhérents à des associations telles que l’ATED (Association Tourangelle des Étudiants en Droit) qui mériteraient un deuxième prix en raison de leur excellence dans la catégorie « sexiste ».

Sexisme, misogynie, banalisation et esthétisation de la violence sexuelle ; voici les thématiques qui pullulent presque quotidiennement sur les murs du site des Deux-Lions. Ni la direction de l’UFR, ni la Présidence de l’Université ne semblent s’en inquiéter. Sur ces murs, on trouve également les affiches publicitaires de clubs privés qui dépassent largement les audaces sexistes étudiantes...

Avec de telles images sur les murs de leur fac, on comprend que les jeunes aient soif d’apprendre ! Puisque l’heure est à l’exhibition grossière : à quand une cérémonie de « mise à l’honneur » des « meilleurs machos » de l’Université François-Rabelais ?

Notes

[1Bourdieu et Passeron, Les Héritiers, Paris, Editions de Minuit, 1964

[2Baudelot et Establet, L’école capitaliste en France, Paris, Maspero, 1972