Harcèlement sexuel, racisme et armes à feu : triple condamnation d’un patron par le conseil des prud’hommes de Tours

Dans trois décisions du 22 septembre 2015, un petit patron de Montlouis-sur-Loire a été condamné par le conseil de prud’hommes de Tours pour des faits de harcèlement moral et sexuel, tandis que les licenciements de trois salariées étaient requalifiés en licenciements sans cause réelle et sérieuse. Dans chaque décision, la même phrase revient, à la fois surprenante et terrifiante : « Monsieur M. ne peut manager des salariés comme une compagnie militaire de combat. »

L’entreprise M.2.I.T. produit du matériel d’isolation thermique. C’est le genre de boîte où le patron s’estime tout puissant, où personne ne saurait remettre en cause son autorité, où il peut donner libre cours à ses caprices et ses délires.

L’une des salariées, V., se plaint de coups de téléphones intempestifs du patron sur son portable, « à des heures indues ». Un jour de novembre 2012, le patron entre en souriant dans l’atelier, et demande aux salariées si elles connaissent le « bisou du chien » ; les salariées lui répondent qu’elles ne veulent pas connaître le sens de cette expression, mais le patron s’approche de V. et se frotte à elle, mimant un « coït animal » tout en grognant comme un chien.

V., le patron la surnomme « gros poumons ». D’autres ont droit à des surnoms du type « ma poule », « ma chérie ». L’une d’elles est qualifiée par le patron de « grosse salope ». Les salariées d’origine portugaises, le patron les appelle « les toss » ; les salariées d’origine maghrébine récoltent des surnoms comme « Diam’s », « Harissa » ou « la Merguez ».

Une autre salariée se plaint d’appels sur son portable en dehors des heures de travail. Lorsque le patron apprend qu’elle a une relation amoureuse, il amplifie son harcèlement, et menace l’amoureux en question. Ce dernier témoigne avoir été menacé à l’arme blanche ; le patron promet de lui faire la peau, « parole d’ancien du RPIMA » [1]. Deux jours plus tard, la salariée découvre un poignard planté sur sa table de découpe. Sous le poignard, « la prière du parachutiste », accompagnée d’une mention manuscrite du patron : « Viens, sale con tu vas manger du RPIMA ».

Une manière originale d’envisager le dialogue social

Au cours d’une des audiences de conciliation, en découvrant les faits, les conseillers prud’hommes décident de suspendre l’audience et de se rendre immédiatement dans l’entreprise, accompagnés par les gendarmes ; ils y constatent « une forte présence d’armes blanches et à feu ». Arbalète, fusils, bandes de mitrailleuses... Dans sa décision, le conseil des prud’hommes note : « La présence d’armes au sein de l’entreprise, cumulée au caractère de Monsieur M. ne peut que créer un climat d’insécurité. » D’autant que ces armes, le patron n’hésite pas à s’en servir.

En janvier 2013, deux salariées de l’entreprise sont en conflit. L’employeur les convoque, commence à écouter leurs explications, puis sort un flingue de son tiroir pour qu’elles aillent « régler ça dehors ». Une autre fois, le patron braque un pistolet chargé sur deux salariées, puis tire six coups à travers la fenêtre ouverte, tuant un coq qui se trouvait dans la cour de l’entreprise...

Le conseil de prud’hommes relève « un climat de terreur » alimenté par le chef d’entreprise, qui « [menaçe] ses salariés avec des armes ou en tenant des propos humiliants et dégradants ». « Nous ne sommes pas au far west, et les problèmes ne se règlent pas à coups d’armes à feu », signalent les juges.

L’entreprise a été liquidée le 15 septembre 2015, une semaine avant que le conseil des prud’hommes de Tours rende ses décisions condamnant le patron au paiement de diverses indemnités et de dommages et intérêts... Les salariées ont déposé une plainte auprès du parquet pour harcèlement et menaces avec armes. A notre connaissance, les flics ne sont pas venus le chercher chez lui à 6 heures du matin.

Notes

[1Régiment de parachutistes d’infanterie de marine.