Fraude à l’Assurance Maladie : les professionnels de santé et établissements en tête !

Comme tous les ans, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) 37 publie son rapport d’activité : c’est le moment de rappeler qui sont les fraudeurs habituels de l’Assurance Maladie et de démystifier la fraude aux arrêts maladie...

Loin des clichés journalistiques, la fraude à l’Assurance Maladie n’est pas majoritairement le fait ni des assurés sociaux ni même de filières criminelles [1], mais des professionnels de santé (libéraux) et des établissements privés et publics, qui représentent 68 des 94 cas de fraude avérée en Indre-et-Loire en 2013, soit 72,3% du total. Malgré la baisse du nombre de cas de fraudes (146 en 2012 contre 94 en 2013 soit - 36%) le montant moyen d’une fraude a plus que doublé (passant de 3 034€ à 6 836€), conséquence d’une affaire hors norme concernant des dentistes de la région parisienne. Cette tendance haussière est généralisée comme le montre par exemple ce reportage en Alsace.

Du côté des assurés sociaux : la partie émergée de l’iceberg...

Les 26 cas de fraudes « assurés » représentent 19 253€ sur 642 619€, soit 3% du montant de la fraude détectée en 2013. La fraude aux indemnités journalières [2] qui agite régulièrement les milieux patronaux représente 14 168€, soit 73,59% du montant de la fraude des assurés sociaux : il s’agit à 88,59% de cumuls de revenus et d’indemnités journalières, la plupart des travailleurs ignorant qu’ils ne peuvent en aucun cas cumuler le revenu d’une activité professionnelle (y compris indépendante comme Vendeur Distributeur Indépendant) et des indemnités journalières (dont les conditions sont sans cesse restreintes) pour compenser leur importante perte de revenus.

Professionnels de santé et établissements : 97% du montant de la fraude 2013...

Une lecture détaillée des tableaux (pp.41-42) montre que les professionnels de santé (libéraux) fraudent bien plus que les établissements de santé : 451 195€ contre 172 171€. Et que la fraude principale des « tiers » (c’est-à-dire professionnels de santé et établissements) est la facturation fictive : 287 467€ (46,12% du montant fraudé).

Les professionnels de santé : transporteurs, fournisseurs et chirurgiens dentistes en tête

Traditionnellement ce sont les transporteurs qui représentent la majorité des affaires (malgré une convention contraignante) et des montants de la fraude (montant moyen : 13 550,86€). En 2013, avec 14 affaires sur 43, ils restent largement en tête mais ne représentent exceptionnellement que 42,05% du montant fraudé du fait de l’affaire exceptionnelle (163 776€) de deux dentistes de la région parisienne qui représente 36,3% du total fraudé ! Affaire qui n’a pourtant pas fait la une des journaux mais d’un simple entrefilet, à comparer aux Unes de certains journaux sur la supposée fraude généralisée aux arrêts maladie... Les 10 fraudes détectées des infirmiers ne représentent plus que 5,37% (montant moyen 2 421,30€) et sont mêmes dépassées en montant par les fournisseurs : 52 620€ pour 7 affaires (montant moyen 7 517,14€).

Les établissements de santé : le privé largement en tête

Quoique moins nombreux et recevant beaucoup moins de patients, les établissements privés caracolent en tête des fraudes : 16 cas contre 7. Et le préjudice subi est quasi exclusivement à l’actif du privé : 162 021€ (soit 94,1%) contre 10 150€ (soit 5,9%). Et encore : les 10 150€ du public sont classés en « autres fraudes » ce qui permet de ne pas incriminer le secteur libéral à l’hôpital (très mal encadré). Et concernant le privé : 130 900€ (sur 162 021€ soit 80,79%) sont aussi classés en « autres fraudes » ne permettant pas d’en connaître précisément la nature...

Les actions de la CPAM ? Assommer l’assuré social, épargner les professionnels de santé et les établissements privés !

Si la direction de la Sécurité (chargée de la lutte contre la fraude) est fort active, la direction de la CPAM agit peu : les dépôts de plaintes pénales ou signalement au parquet ont frappé deux assurés sociaux contre trois professionnels de santé. Et si les professionnels de santé et établissements se sont vus notifiés 153 737€ de pénalités financières, seuls 13 101€ (soit 8,52%) ont été effectivement récupérés au 31 décembre 2013...

S’il est évident que l’exploration de données (data mining) permet de repérer les plus grosses fraudes et est donc défavorable aux professionnels et établissements de santé, il n’en reste pas moins que le mythe du fraudeur attaché à l’assuré social vole en éclat : il ne représente que 3 % du montant fraudé. D’autant que la fraude à l’indemnité journalière est largement le fait de travailleurs poussés à reprendre une micro activité du fait d’une perte importante de revenus qui se cumule à des fréquents retard de paiement de la part de la CPAM et des organismes de prévoyance (pour les indemnités journalières complémentaires), sans savoir que le cumul est strictement interdit.

P.-S.

Il y aurait beaucoup à dire sur les opticiens, mais cela sort totalement du cadre de cet article... La Mutuelle Sociale Agricole ne publie pas de rapport équivalent à celui de la CPAM et ne met pas à disposition de données comparables.

Notes

[1Qui relèvent du COmité Départemental Anti Fraude (CODAF) qui n’a jamais été actif en Indre-et-Loire concernant l’Assurance Maladie.

[2Indemnités perçues en cas d’arrêt de travail suite à Accident du Travail (AT) ou Maladie Professionnelle (MP).