Esprit de Noël : la mairie de Tours prend un nouvel arrêté anti-mendicité

Ça devient une triste tradition, qui revient été comme hiver : le maire de Tours a pris un nouvel arrêté visant à chasser les pauvres du centre ville. L’arrêté court du 20 novembre 2015 au 10 janvier 2016.

L’arrêté a été signé par Serge Babary le 20 novembre, jour de l’allumage des illuminations de Noël. Pas besoin de se fatiguer, le maire s’est contenté de recopier le texte des arrêtés précédents. Il interdit :

« toute occupation abusive et prolongée des rues (..) visées à l’article 2, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, accompagnée ou non de chiens, même tenus en laisse, lorsqu’elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité de passage et la sûreté dans les rues (...) susvisées. »

Comme d’habitude, cette mesure se justifierait par :

« la recrudescence des récriminations émanant d’habitants et de commerçants et l’augmentation des constats établis par la Police Municipale relatifs à la présence habituelle dans certaines rues, places et lieux publics de la Ville, d’individus errants ou non, en groupe ou isolés, souvent en état d’imprégnation alcoolique, accompagnés ou non d’animaux en particulier de chien(s), et qui présentent un comportement agressif, bruyant, provoquant ou d’obstruction ».

L’arrêté évoque aussi « l’afflux touristique important » et « les nombreuses manifestations de fin d’année », qu’il est hors de question de gâcher en laissant des pauvres traîner dans les rues.

Le maire et ses adjoints le jour de l’entrée en vigueur de l’arrêté. Joyeux Noël.

Lorsque la mairie avait pris un arrêté semblable au printemps 2014, l’adjoint à la sécurité Olivier Lebreton avait assuré qu’il serait appliqué « avec discernement ». Et de fait, les termes de l’arrêté sont suffisamment vagues pour permettre à la police municipale de travailler à la gueule du client. On ne verbalisera pas les groupes d’étudiant-es bourré-es qui « entravent la libre circulation » dans les rues piétonnes du Vieux Tours le jeudi soir, on ciblera les punks à chiens qui font la manche rue Nationale. Les personnes qui ne respecteraient pas l’interdiction d’occuper les rues de manière « abusive et prolongée » risquent une amende de 38 euros.

Il ne faudrait surtout pas que les braves gens qui viennent faire leurs courses de Noël soient mis mal à l’aise par la vision de la misère ambiante. La mairie n’a pas dépensé des fortunes en illuminations et sonorisation pour que les pauvres gâchent la fête.

Au lieu de chercher à satisfaire les commerçant-es qui craignent que leurs client-es potentiel-les soient pris d’un accès de mauvaise conscience à la vue de la pauvreté régnante, Babary ferait mieux de renforcer les dispositifs locaux en matière d’aide sociale. Rappelons que pendant ce temps-là, le maire de Tours et son équipe célèbrent de manière tapageuse l’anniversaire de la naissance de saint Martin, symbole chrétien du partage, dans l’espoir de voir affluer les touristes [1].

Quand la mairie PS dirigée par Jean Germain avait pris un arrêté semblable pendant l’hiver 2013, la Ligue des droits de l’Homme avait dénoncé « une atteinte excessive à une liberté publique, [touchant] une population démunie, à une époque de l’année pendant laquelle elle est fragilisée ». Et l’association avait engagé un recours devant le tribunal administratif [2].

Notes

[1Voir notamment le point 29 du conseil municipal de Tours du 17 novembre.

[2Sur la légalité des arrêtés anti-mendicité, lire Les arrêtés anti-mendicité sont-ils légaux ? sur le site d’ATD Quart Monde.