Erratum : oui, le festival Terres du Son paye les "petits artistes locaux"

"Pan sur le bec" annonce le Canard quand il imprime une bêtise. Jibédé nous dit en avoir commis une grosse dans son précédent article sur Terres du Son. Article qui aura eu le mérite de provoquer réflexions et réactions.

En recoupant seulement quatre exemples isolés, dont le mien, j’ai déduit hâtivement qu’en 2013 à Terres du Son (TDS) « les petits groupes locaux n’étaient pas, ou mal payés ». Ce qui semble être faux. Des musiciens de « petits groupes locaux » m’ont depuis expliqué qu’ils ont été correctement rémunérés à TDS. Notamment parce qu’ils avaient eu l’intelligence de négocier. Et de ne pas jouer dans un groupe à la noix. D’autres laissent entendre qu’ils ont certes été rémunérés, mais en dessous de leur tarif. On me dit que ce problème d’artistes bénévoles ne se serait posé que sur « quelques DJs à la marge du festival ». Dont votre vilain et rancunier serviteur. Pas de bol. [1]

J’ai abusivement généralisé sur ce sujet. Sur ce point donc, mes excuses aux organisateurs du festival Terres du Son qui semblent plus respectueux du droit du Travail que je ne le pensais. Désolé aussi pour cette erreur qui pourrait décridibiliser l’excellent travail de La Rotative. Errare humanum est. Perseverare diabolicum...

J’évoque aussi l’argent public. Comme partout, il est en baisse me précise-t-on, et ne représenterait qu’environ 20% du budget de TDS qui cherche aussi du financement auprès de boîtes privées. Ah, l’heureux mariage culture et entreprise...

Enfin, on me reproche de beaucoup employer le conditionnel pour rapporter des témoignages croisés de bénévoles et de professionnels qui tiennent à rester anonymes. Que faire de ces récits qui, depuis des années, se répètent, en provenance de plusieurs sources ? Les taire serait probablement plus reposant...

Reste le plus grave.

Le travail bénévole au service de lucratives entreprises privées

Où vont les centaines de milliers d’euros de budget de ces festivals de musique commerciale ? Pas sur le compte en banque des organisateurs. Mais dans la poche de tourneurs et autres maquignons de l’industrie musicale. Qui essaient, avec les concerts, de compenser l’argent qu’ils ne gagnent plus sur les ventes de disques. Et font marcher leur business grâce au travail gratuit, ou presque, de fans et de passionnés.

L’idéal associatif, l’idéal de Culture Populaire, l’Histoire des musiques « alternatives » me semblent ici dévoyés et prostitués au monde marchand. Avec les meilleures intentions du monde, les organisateurs se sont pris dans un piège économique maquillé en culture de masse. Pour payer des stars qui coûtent cher, il faut beaucoup de public qui paye cher. Comme cela ne suffit pas pour payer les stars, on peut aussi faire travailler 800 personnes gratuitement et mal rémunérer les quelques membres permanents de l’asso TDS. Pour qu’au final, s’engraissent quelques marchands qui repartent avec un très gros chèque une fois le spectacle fini. De quelle sueur ce chèque est-il imprégné ?

Mais pourquoi payer des stars qui coûtent si cher ?

En comparaison avec les 32 000 visiteurs de TDS en 2013, n’y-a-t-il pas eu, par exemple, 20 000 entrées cette année pour le festival Aucard de Tours, où la plupart des artistes étaient pourtant méconnus ? Et infiniment moins chers ? Quel est le coût social et éthique de cette différence de 12 000 spectateurs ? [2]

Pourquoi payer 50 000 euros le concert de Skunk Anansie ou de Detroit ? N’y aurait-il pas une décente limite de cachet au-delà de laquelle on refuserait de rétribuer une star trop gourmande, ou son tourneur ?

Quelle culture voulons-nous ? Celle des marchands ? Celle des « experts » subventionnés qui savent ? Une culture financée comment ? Créée par le travail de qui et dans quelles conditions ? Au bénéfice de qui ?

Pour finir, je maintiens : les organisateurs et bénévoles de TDS ont beau eu faire de leur mieux, en 2013, j’ai trouvé les tarifs dispendieux. Le site glauque. Et obscènes ces stars payées à prix d’or sur le travail de bénévoles et de passionnés un peu naïfs.

Jibédé

Illustration : artistes locaux recevant leur cachet après leur passage à Terres du son

Notes

[1Pour une fois que quelqu’un joue gratis à TDS, ça tombe sur un type qui écrit dans La Rotative.

[2Précisons au passage que je ne suis pas « un sous-marin de Radio Béton entretenant une guerre de chapelles entre Aucard et TDS ». L’asso Béton, critiquable à l’occasion, et dont je ne suis qu’un simple adhérent, vous dira que nous pouvons à l’occasion avoir des débats plus que vifs. Des membres de la radio et d’Aucard m’ont d’ailleurs fait savoir qu’ils étaient, à titre privé, scandalisés par mon article. Si je prends l’exemple d’Aucard c’est parce que je fréquente l’événement en tant que simple festivalier, heureux d’être si bien accueilli sans me faire assassiner à la caisse. Comme c’est aussi le cas dans d’autres festivals que je connais moins bien : Intergalactique, Cosmopolite, des Peuples en Mouvement, des Hommes Verts...