Éloge de la police municipale dans le magazine de la ville de Tours : armée pour ne pas être « vieillotte »

Dans le dernier numéro de Tours & Moi, les communicants de la ville se livrent à un exercice navrant de promotion de la milice police municipale et de ses entraînements au maniement d’armes à feu, alors qu’Olivier Lebreton salue sa modernité.

La lecture de la propagande officielle du magazine municipal est toujours agréable. D’abord parce que c’est bien écrit, bien mis en page avec plein de photos du maire et de ses adjoints [1] et surtout super instructif. C’est donc avec avidité que je me suis jeté sur le numéro 172 de Tours & Moi lorsqu’il est arrivé dans ma boîte aux lettres [2].
Au milieu d’un sommaire fourni, les responsables du magazine ont décidé de mettre en avant en l’annonçant en une un article particulier : une « rencontre » avec la police municipale. Le tout avec un sous-titre aguichant, « dans les coulisses de la police municipale ». Je me suis donc rué aux pages 12 et 13 et je vous engage à en faire de même.

40% de cambriolages en moins en 2014 : à quoi servent les voisins vigilants ?

On apprend d’abord un truc assez marrant et pas tout à fait anecdotique. Pour se vanter de ses performances en matière de sécurité, la mairie annonce fièrement qu’en 2014 le nombre de cambriolages de résidences particulières a baissé de 40%. C’est marrant, à écouter Olivier Lebreton et Serge Babary parler de la ville au dernier conseil municipal j’aurais plutôt imaginé le contraire. Du coup je ne comprends plus vraiment pourquoi il est nécessaire d’ajouter des milices d’habitants (les voisins vigilants) à la milice municipale [3]. Je me demande si on me prend pas pour un imbécile mais à ce stade j’accorde le bénéfice du doute.

Quand les flics municipaux choisissent leurs formations ils vont au champ de tir

On y apprend aussi que les policiers de la municipale sont hyper bien formés et qu’ils peuvent même choisir des formations facultatives. Et que croyez-vous que ces humanistes spécialisés dans le dialogue [4] choisissent ? Tours & Moi répond à la question : « gestes et techniques de la police, armement et droit pénal sont les plus réclamés ». Bref rien que des choses pour « dialoguer » avec les habitants... sauf bien sûr à considérer un dialogue, disons, musclé. Je me demande de plus en plus si on ne me prend pas pour un débile.

D’ailleurs un paragraphe entier est consacré à vanter la formation au tir de ces « agents bien entraînés ». C’est technique et ça rassure à fond sur le fait qu’aucun d’entre eux ne finisse par coller une bastos à quelqu’un parce qu’il a perdu son sang froid. Aucun risque puisqu’ils ont des entrainement physiques hebdomadaires et qu’ils effectuent 4 séances de tir par an (c’est un peu moins qu’un tireur d’élite mais un peu plus que le nombre de soirées paintball du CE de ma boîte) lors desquelles « chaque policier tire en moyenne une cinquantaine de cartouches » et simulent même « des contextes de tirs particuliers, en mouvement ». Au cas où ce soit la guerre demain, on sait jamais hein… Si je comprends bien, pour savoir dialoguer avec la population les flics ont essentiellement besoin de se former au tir. Je commence à me persuader qu’on me prend pour un crétin…

Quand le maire de Bézier fait de la propagande réac en désignant le pistolet 38 millimètres des policiers comme leur « nouvel ami », tout le monde s’insurge. Là c’est plus discret mais c’est quand même bien dans le même genre...

Le pire pour l’adjoint à la sécurité ? Avoir une police « vieillotte »

Enfin le meilleur de cette « rencontre » reste quand on entrevoit le pire cauchemar d’Olivier Lebreton. L’adjoint au maire qui trouve que la mairie fait « déjà beaucoup » de social, et s’est fait une spécialité de la chasse aux pauvres, a un cœur lui aussi et il se confie à Tours & Moi : « il n’y aurait rien de pire qu’une PM [5] semblant vieillotte, mal équipée et cantonnée à des tâches purement administratives ». C’est sûr qu’une milice municipale, armée et encouragée à se perfectionner physiquement et au maniement des armes ça fera des bavures qui ne seront pas « vieillottes » et ça c’est rassurant parce que ça évitera « le pire  » [6].

Je me suis dit que le soleil avait dû taper un peu fort sur le crâne d’Olivier Lebreton et comme dans le même numéro figurait (en page 10) une brève incitant les personnes fragiles à se faire recenser pour diminuer les risques de la canicule, j’ai signalé Olivier Lebreton. Je suis pas encore un voisin vigilant et j’ai de plus en plus peur des flics mais comme je suis de bonne volonté j’apprends comme je peux à me comporter moi aussi comme une grosse balance…

À la fin de la lecture je suis enfin sûr : oui on me prend clairement pour un con pendant tout cet article. Et tous les lecteurs de Tours & Moi avec. En bon con, je m’en vais écouter une histoire qui se passe au marché de Brive la Gaillarde pour me réconforter.

Serge Entonnoir

P.-S.

La quatrième de couverture de ce numéro de Tours & Moi fait de la pub pour… le « Carrefour des métiers défense et sécurité » qui se tiendra le 19 et le 20 septembre à Tours. Un bel exercice qui permettra sans doute à Olivier Lebreton d’avoir les yeux qui brillent devant des tas de jeunes gens le doigt sur la couture du pantalon et le cheveu ras qui assurément ne défendent pas des des valeurs vieillottes…

Notes

[1Bon là y a aussi pas mal d’images en 3D dégueulasses qui représentent le projet du haut de la rue Nationale et les petits bourges bien blancs et bien propres sur eux qui s’y égayent.Voir la série d’articles sur le sujet publiés par la Rotative.

[2Il est aussi accessible en un clic en appuyant ici avec votre souris.

[3Milice formée par Jean Royer, c’est d’ailleurs noté comme un point positif en introduction de l’article de Tours & Moi. Lire sur le sujet les articles, un poil moins favorables, publiés à l’époque par le Petit rouge de Touraine : « Big Brother : une milice armée officielle à Tours » puis « Milice municipale : autopsie d’une intoxication ».

[4Il est mentionné dans le dossier qu’ils « s’évertuent prioritairement à ne jamais perdre le fil du dialogue avec la population », qu’ils travaillent dans « un réel esprit de camaraderie » avec les flics de la nationale et les pompiers, ou encore que « les agents sont disponibles 24h/24, c’est la police des tourangeaux ». Je sais pas vous mais pour moi ça sent l’humanisme à plein nez.

[5Tout l’article est écrit avec cet acronyme bidon pour qu’on comprenne bien que nous aussi on pige le jargon.

[6Dans les équipements pas vieillots de la police municipale de Tours il y a aussi la police montée et une équipe en VTT en cours de constitution. En ce qui concerne les pandores montés sur des canassons, l’article nous rassure sur la bonne gestion des fonds publics. Cette brigade n’est pas « seulement de l’apparat » mais existe encore parce que « les cavaliers ont leurs propres techniques de sécurisation et leur hauteur de vue est un avantage ».

On comprend bien que le but est encore une fois de « dialoguer » avec la population... et quiconque a vu des images des manifestations pour les droits civiques ou contre la guerre du Vietnam aux États-Unis ou en Angleterre ne doute pas du potentiel répressif des brigades équestres. Plus récemment, la police britannique, par exemple, se sert régulièrement de ses policiers à cheval pour charger dans les manifestations et on se souvient aussi des charges de policiers et de miliciens à cheval lors des manifestations anti-Moubarak en Égypte. Bref, pas de doute, ça ne sert pas qu’à l’apparat...