Élection de Christophe Bouchet : comment devenir maire de Tours sans vraiment le mériter

Ce mardi 17 octobre, à l’occasion d’un conseil municipal extraordinaire, Christophe Bouchet a succédé à Serge Babary, qui a dû quitter son fauteuil de maire après avoir été élu sénateur. Éléments de portrait.

L’élection s’est d’abord jouée au sein de la majorité municipale, le 12 octobre, à l’occasion d’un processus interne pour se choisir un seul candidat et éviter les luttes fratricides entre adjoints ambitieux. A l’issue de deux tours d’un scrutin à huis clos organisé ce jour-là, les élu-es de la majorité se sont montré-es incapables de départager les deux centristes candidats au poste de maire. Bouchet en est sorti vainqueur au bénéfice de l’âge, ayant obtenu le même nombre de voix que son principal concurrent Xavier Dateu. Une fois désigné candidat unique de la majorité, l’élection de Bouchet par le conseil municipal n’était plus qu’une formalité, même si Xavier Dateu a décidé de maintenir sa candidature [1].

Bouchet n’aura donc même pas réussi à obtenir une majorité parmi ses petits camarades de la droite et du centre. Il faut dire que les élections ne lui réussissent pas particulièrement : candidat centriste aux élections législatives de 2012 dans la première circonscription d’Indre-et-Loire, il avait péniblement récolté 1,62 % des suffrages exprimés, soit 577 voix seulement. Heureusement pour lui, ce genre d’échec cuisant n’est pas disqualifiant. Et les choses sont bien faites, puisqu’on peut donc devenir maire de Tours sans même remporter une majorité claire au sein d’un groupe de 42 personnes. Dateu a même obtenu 15 voix, ce mardi, contre 30 pour Bouchet.

De La Nouvelle République à Lagardère, en passant par l’Olympique de Marseille

Nommé adjoint au tourisme et au rayonnement suite aux élections municipales de 2014, Bouchet est en première ligne depuis le début du mandat pour multiplier les initiatives idiotes visant à faire parler de Tours dans la presse nationale. Tant pis si une bonne part des événements imaginés par la municipalité (festivités martiniennes, Franco Gourmandes, etc.) sont des échecs qui ont coûté horriblement cher : le tout est de s’agiter pour exister.

Mais Bouchet n’a pas toujours épuisé son énergie à transformer Tours en destination touristique incontournable. Il a commencé sa carrière dans le journalisme, au sein du groupe La Nouvelle République, avant d’aller bosser dans diverses structures et médias nationaux. Il écrit aussi quelques livres, parmi lesquels, en 1995, Comment devenir riche et célèbre sans vraiment le mériter [2].

Il devient ensuite patron de l’Olympique de Marseille, par la grâce de son propriétaire Robert Louis-Dreyfus, entre 2002 et 2004. Comme le note le site spécialisé Les cahiers du football, « son bilan est d’abord positif : des comptes remis à l’équilibre, l’achèvement de la Commanderie, la Ligue des champions retrouvée ». Et puis très vite, rien ne va plus :

« Démagogique et antipathique dans des proportions bien équilibrées, il aura fini par se faire détester de tout le monde. (...) Il se signale aussi par son étonnante propension à dire tout et son contraire. »

Bouchet se fera notamment remarquer en réclamant que la Fédération française de football (FFF) restitue à son club le titre de champion de France pour la saison 1992-1993 [3]. L’attribution de ce titre avait été suspendue suite aux tentatives de corruption menées par les dirigeants de l’OM pour que les joueurs de Valenciennes « lèvent le pied » à l’occasion d’une rencontre. Tant pis pour la morale, Bouchet avait à l’époque besoin de caresser les supporters marseillais dans le sens du poil.

Après ce passage à l’OM, il atterrit au sein du groupe Lagardère, au sein duquel il dirige l’agence de marketing sportif Sportfive, avant de créer sa propre boîte de conseil en marketing dans le domaine du sport. Du journalisme au marketing, du marketing sportif au marketing territorial : comme on le voit, le parcours de Bouchet est marqué par une certaine cohérence, et il est bien placé pour vendre la ville comme il vendait auparavant des droits de retransmission.

Notes

[2Avec en sous-titre « Bernard Tapie, Bernard Arnault, Pierre Bergé et les autres ». Selon l’Express, « ce livre s’adresse à tous les Rastignacs du business qui voudraient imiter leurs illustres aînés ».

[3A ce sujet, lire Honte sur le site Les cahiers du football.