De la paille, de la terre et pas mal de chantiers. Rencontre avec l’association Botmobil

Y a pas longtemps, nous vous causions d’auto-réparation de vélo, d’autonomie, de co-formation et de politique de la clef de 12 partagée avec Roulement à Bill. On continue notre tour du Do It Yourself [1], de la réappropriation de savoir-faire et des solidarités collectives avec cette fois-ci l’auto-construction et les chantiers participatifs de l’association Botmobil.

L’association a une actualité locale double ; elle tenait son assemblée générale à Bourgueil les 19 et 20 avril et propose prochainement des chantiers participatifs du côté de Tauxigny, de Notre-Dame-d’Oé ou encore de Beaulieu-les-Loches. On s’est donc rendu à Bourgueil afin de rencontrer des membres de l’association et de discuter d’auto-construction, de murs isolés en botte de paille, d’enduits terre et de chantiers participatifs. Entretien avec Rémi et Christelle, deux des co-président-e-s de l’association.

Botmobil, qu’est ce que c’est ?

Christelle. C’est une association qui a été créée en 2006 pour faire de l’accompagnement à l’auto-construction de maison en paille et d’enduits terre via des chantiers participatifs accueillant des bénévoles. L’objet de l’association c’est de mettre en lien des auto-constructeurs, des bénévoles qui souhaitent apprendre pour X et Y raisons et des professionnels qui accompagnent techniquement les auto-constructeurs en amont et pendant la durée du chantier.

Rémi. Botmobil c’est aussi la promotion de la construction en fibres végétales et en terre sur différents salons, événements et temps de démonstration.

Source BNF/Gallica. Revue Le Génie Civil du 29 octobre 1921 [2].

Concrètement si on veut être bénévole sur un chantier, ça fonctionne comment ?

Rémi. Faut se rendre sur le site internet de l’association, http://www.botmobil.org/. On y trouve des annonces de chantiers participatifs. De là, il faut prendre contact directement avec l’auto-constructeur qui passe l’annonce. Il est possible de choisir entre différents types de chantiers : enduits de corps en terre [3], enduits de finitions en terre, pose de bottes de paille et chantiers de rénovation.

Les encadrants de chantiers, dont vous faîtes tous les deux partie, sont rémunérés. Comment ça se passe, vous êtes salarié-e-s de l’association ?

Christelle. L’association se contente de mettre en lien les trois types d’interlocuteurs dont je parlais à l’instant, les auto-constructeurs, les bénévoles et les intervenants. Par contre, chacun-e des cinq intervenant-e-s est indépendant-e-s professionnellement. Il n’y a pas d’histoire de salariat au niveau de l’association Botmobil. Chacun-e gère auprès de l’auto-constructeur avec son propre statut, en artisan ou en travailleur occasionnel du bâtiment [4].

Rémi. L’échange d’argent se fait uniquement entre auto-constructeurs et intervenants. Du reste les gens sont bénévoles. Ils paient 5 euros de cotisations par chantier.

Christelle. De son côté l’auto-constructeur s’engage à fournir les repas et un lieu de vie à l’équipe : terrain pour planter la tente, toilettes sèches, douches, etc.

La Rotative a dernièrement interviewé Roulement à Bill, association d’auto-réparation de vélo à Tours, et ses adhérent-e-s faisaient le constat que la mécanique vélo n’était qu’un prétexte pour ouvrir sur d’autres possibles, d’autres liens entre les personnes. En est-il ainsi sur vos chantiers ? Qu’est-ce qui s’y crée ? Pourquoi des gens y viennent ils ?

Christelle. Oui il se joue autre chose, si ce n’est que faire une maison c’est autre chose que de réparer un vélo ; il y a une pression indéniable des auto-constructeurs qui sont quand même en train de se faire un habitat.

Sur un chantier participatif, il y a la notion de vie en collectif avec des gens qui viennent de tous horizons sociaux, professionnels et géographiques. C’est des moments super forts de rencontres humaines, qui après vont perdurer ou pas. C’est plein de prétextes à la rencontre avec d’autres gens, d’autres régions, d’autres idées. Pour certains futurs auto-constructeurs c’est aussi une manière de confronter leurs propres projets de constructions.

Il y a aussi des gens qui viennent là en vacances, plutôt que de se faire dorer la pilule sur la Côte d’Azur. Des gens, qui le reste de l’année sont en bureau toute la journée, viennent là pour faire des choses positives de leurs mains, se rendre compte qu’ils savent faire plein de choses, se fatiguer physiquement. Il y a des gens qui y reviennent, y a des abonnés. On peut complètement arriver là sans savoir planter un clou. L’idée de l’association c’est qu’il n’y ait pas de sélections de la part des auto-constructeurs en fonction de l’âge (ça reste à partir de 18 ans) ou des savoir-faire des bénévoles.

Rémi. Un des objets des chantiers participatifs, ce n’est pas forcément de finir les chantiers, c’est de les démarrer et de faire en sorte que l’auto-constructeur devienne autonome pour la suite de ses travaux. Sur les chantiers, nous sommes, en tant qu’encadrants, des garants techniques. C’est à nous de faire en sorte que le chantier se passe correctement, que les choses soient bien faîtes et que l’auto-constructeur puisse continuer sur des bases saines.

Christelle. C’est une forme d’apprentissage pour l’auto-construcuteur qui pourra à son tour transmettre aux gens et amis qui viennent lui donner la main par la suite.

Source La Science et la Vie, mai 1921 [5]

Votre territoire d’action est plutôt national mais toi Rémi, tu cherches plutôt à développer ça sur la région Tourangelle. Ça marche ?

Rémi. Ça a été un peu compliqué au début, j’ai du beaucoup travailler en Vendée et en Loire-Atlantique car c’était pas du tout développé ici. Petit à petit ça se fait. J’ai monté un site internet, http://www.zakaterre.fr, qui est de plus en plus vu et qui se focalise sur la région Centre et le département d’Indre-et-Loire. J’ai pas mal de connexion de gens de ces zones là. Cette année je ne travaille quasiment que dans le département avec en projet des chantiers participatifs à Tauxigny, Beaulieu-les-Loches et Notre-Dame-d’Oé. Les gens peuvent s’y inscrire via le site de Botmobil.

On entend de plus en plus parler de construction en paille. On en est où de ce côté-là ? Y a toujours le mythe de la maison des 3 petits cochons ?

Rémi. Y a des règles professionnelles qui sont sorties en 2012 et qui sont en cours de validation.

Christelle. Elles sont validées mais pas de manière définitive. Elles sont en période d’essais. C’est un outil qui permet de nous conforter dans nos pratiques ou de nous aider à améliorer des points techniques. Ce n’est pas seulement à destination des professionnels, c’est aussi un guide qui peut aider l’auto-constructeur à faire des choix, à prendre des décisions censées.

Rémi. En annexe de ces règles professionnelles, y a un petit livret qui permet de s’autocontrôler lors de la construction, de la réception des bottes de paille jusqu’à la réalisation des enduits en passant par la mise en œuvre de la paille. C’est la fiche autocontrôle et elle est très bien faîte [6].

Christelle. Sinon la construction paille a énormément évolué. Les Compaillons, le Réseau Français de la Construction en Paille ont fait un énorme travail pour que ça se démocratise et qu’on sorte du mythe des 3 petits cochons, du feu, des rongeurs, etc. Il n’y a plus du tout ce genre de questions, on est au-delà de ça. Sur les chantiers ou sur des formations, on se rend compte que les gens ont des questions de plus en plus pointues, techniques. Ils ont beaucoup d’informations, il y a des sites internet et des ouvrages papiers. Après ils ne savent pas faire pour autant.
En une petite dizaine d’année ça a quand même pris une autre tournure.

Bref, c’est un peu un contre feu à Vinci tout ça ?

(Rires).

Christelle. Ça c’est toi qui le dit ! (rires encore)

P.-S.

PS1
Botmobil en 2013, c’est 26 chantiers dans toute la France et 148 participants bénévoles.

PS2
Pour un petit retour historique sur les chantiers participatifs dans les années 50, lire la BD inédite Un rêve fait maison. Petite histoire des autoconstructions collectives, parue dans le n°5 / automne 2011 de la revue Z : http://www.zite.fr/

PS3
Chaque année au mois d’octobre, il est possible de visiter pas mal d’habitats auto-construits en Indre-et-Loire par le biais de la manifestation d’Eco-chantiers en éco-habitats organisée par l’association Alter’énergies. Infos : http://ecochantiersenecohabitats.org/

PS4
Pour toutes informations - formations, techniques, exemples - relatives à la construction paille en région Centre voir le site : http://www.constructionpaille-regioncentre.fr/

Notes

[1"Do it yourself (DIY) est une appellation, dont une traduction littérale en français serait « Faites-le vous-même »(...)Au-delà d’une simple volonté de récupération, le mouvement Do It Yourself (il ne s’agit pas d’un mouvement constitué) se voit comme une alternative politique en opposition au monde d’ultra-consommation dans lequel il baigne. Ses membres sont ainsi souvent liés à l’anarchisme, l’autogestion et aux mouvements squat et punk. Le besoin de créer, d’avoir une certaine indépendance par rapport à l’industrie et aux grands groupes commerciaux, de retrouver un savoir-faire abandonné les pousse à trouver des solutions pour faire le maximum de choses par eux-mêmes, en opposition à la marchandisation dominante, tout en recherchant la gratuité ou les prix faibles." Source : Wikipédia

[3le premier enduit qui vient sur la botte de paille, d’une épaisseur moyenne de 3 cm. : http://www.botmobil.org/enduits-terre

[4Statut qui revient à se salarier directement auprès de l’auto-constructeur. Vous trouverez à l’adresse suivante un petit guide complet sur ce statut : http://www.ardheia.fr/ardheia/index.php/ressources/guide-tob

[6Vous trouverez des informations complémentaires sur le site des Compaillons : http://www.compaillons.eu/reglementation