Dans le quartier Velpeau, une association donne des repas à ceux qui n’ont rien

Depuis plusieurs mois, la Table de Jeanne Marie sert des repas gratuitement à celles et ceux qui sont laissés à la porte des dispositifs d’aide sociale de Tours.

L’association s’est installée dans les anciens locaux d’une entreprise de parquets, dans un coin de la place Velpeau. Seule une feuille blanche scotchée sur la porte vitrée permet de comprendre qu’on est arrivé. Pour une bonne part, les gens qui viennent là sont des exilé-es, demandeurs d’asiles ou non.

La Table de Jeanne-Marie est née d’un constat : pour les personnes sans ressources, qui vivent dans la rue ou sont hébergées dans des foyers qui ne les accueillent que le soir, il est souvent extrêmement difficile de s’alimenter. Ici, on propose tous les jours un petit-déjeuner et un repas chaud à midi. Tout le monde y va de son coup de main, pour éplucher les légumes ou faire la vaisselle.

Pas besoin de montrer patte blanche, il suffit d’adhérer à l’association pour partager un repas ou un café dans l’une des deux salles qui composent le local. Contrairement à ce qui se pratique dans d’autres lieux, qui demandent par exemple un euro de participation aux personnes qui veulent déjeuner histoire de les « responsabiliser », la Table de Jeanne-Marie ne demande aucune participation financière aux personnes qui viennent manger — même si elle ne refuse pas la participation de ceux qui en auraient la possibilité. Depuis le début, les locaux de l’association ne désemplissent pas. Ces jours-ci, 30 à 40 personnes y mangent quotidiennement.

L’association propose aussi aux personnes qui fréquentent le lieu de s’y installer pour boire un café et passer le temps. Car entre deux rendez-vous administratifs, les exilés ne disposent d’aucun espace d’accueil. Un homme explique : « Si la Table n’existait pas, ce serait vraiment difficile pour nous ».

Autour d’une grande table, une dizaine de personnes finissent leur salade de betteraves en discutant. Parmi eux, une femme enceinte et un jeune enfant. Certains ont une place en foyer, d’autres sont hébergés par des amis, quelques-uns dorment dans la rue. Ces derniers passent souvent une partie de leur soirée à la gare ; quand elle ferme, à minuit, « il faut trouver un endroit où se cacher pour dormir ». L’un des hommes confrontés à cette situation prend un ton grave : « La situation est terrible ». Pour ceux qui dorment dans la rue faute de places d’hébergement, le repas proposé à la Table est souvent le seul qu’ils avaleront jusqu’au lendemain.

Comme d’habitude, le 115, le numéro d’urgence destiné aux personnes sans hébergement, ne peut répondre à toutes les demandes. C’est ce dont témoigne Fiji, bientôt 19 ans, qui dort dans la rue depuis plusieurs jours. Comme Camara, un Guinéen du même âge, il vient déjeuner à la Table de Jeanne-Marie tous les midis.

Au fil de la discussion, les exilés témoignent des difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. L’un d’eux raconte que, pour obtenir un premier rendez-vous avec l’assistante sociale de la Croix-Rouge, il faut parfois se présenter devant les locaux de la rue Bretonneau avant 4h du matin, histoire d’être sûr de figurer parmi les premiers dans la fil d’attente. Un autre évoque les tickets d’une valeur de six euros distribués par la Croix-Rouge, qui permettent d’acheter de la nourriture dans les supermarchés du centre ville : tout le monde n’y a pas droit – les demandeurs d’asile sont exclus du dispositif –, ils sont distribués en quantité limitée, et on ne peut en avoir plus de deux par mois, soit douze euros pour trente jours.

Les camions de la Croix-Rouge ou de l’Entraide ouvrière qui stationnent devant la gare de Tours le soir avant de partir en maraude proposent seulement des sandwichs. Généralement, les femmes seules ou avec enfants n’osent pas y aller : elles ont peur d’attendre la nuit parmi de nombreux hommes dont certains sont fortement alcoolisés. Certains hommes sont également réticents : les engueulades devant le camion peuvent parfois dégénérer, et ils craignent d’être embarqués par les flics.

A Velpeau, côté cuisine, trois bénévoles s’activent pour préparer les plats et relancer la cuisson du riz. Entre deux casseroles, Céline nous explique que, parmi les personnes qui fréquentent l’association, certains ont un titre de séjour qui ne les autorisent pas à travailler : « On les précarise à l’extrême ! ».

Les repas sont préparés en bonne partie grâce à des dons, ou des récupérations de denrées provenant de deux épiceries sociales. Certains bénévoles mettent la main à la poche pour acheter ce qui manque. Les cotisations versées par certains membres de l’association permettent de payer le loyer du local et les charges, mais pas beaucoup plus.

Dans ce quartier situé entre la voie de chemin de fer et l’autoroute, l’association a été bien accueillie par les riverains. Céline évoque les « beaux gestes » de certains voisins : un boulanger donne ses pains invendus ; un poissonnier du marché Velpeau offre des poissons le jeudi ; le dimanche de Pâques, un pâtissier a apporté deux énormes gâteaux ; le restaurant marocain situé sur la place a offert un couscous pour 30 personnes.

La Table de Jeanne-Marie est ouverte tous les jours à partir de 10h30.

Pour aider la Table de Jeanne-Marie, vous pouvez :
 
-* apporter des denrées alimentaires (riz, pommes de terre, poulet, thé, café, sel), des produits d’hygiène (shampooing, gel douche, brosse à dents, dentifrice, rasoir, serviettes hygiéniques) ou des produits d’entretien ;
 
-* adhérer à l’association ou faire un don : La Table de Jeanne-Marie, 43 rue des Abeilles, 37000 Tours