Bienvenu(e)s en France : un membre du collectif placé en Centre de Rétention Administrative

Nous connaissons Benik Melkumian. Il prenait une part active au collectif des « citoyens sans droit ». Il repartait avec sa famille et venait à la réunion suivante, toujours souriant et calme. Benik ne viendra plus à nos réunions. Il est en centre de rétention administrative.

Nous connaissons Benik Melkumian

Il venait à toutes les réunions du collectif des « citoyens sans droit », avec Araxya, sa compagne, et leur enfant SamVel, né en France et âgé de sept mois. Il s’asseyait à la table, buvait un café. C’est un homme discret, et nous l’invitions à parler, à dire ce qu’il pensait... Il participait avec nous à l’organisation de la journée du 10 mai : Bienvenu(e)s en France. La veille de son arrestation et de son transfert vers le Centre de Rétention Administrative (CRA) de Rennes, il était passé sur Radio Béton, pour parler de la fête. Il semblait heureux de pouvoir enfin dire quelque chose de ce qu’il traverse en France.

Benik et Araxya viennent d’Arménie. Pays où la régularité des élections est souvent contestée par l’OSCE [1] elle-même. Pays où le frère d’Araxya et la sœur de Benik sont recherchés pour leurs activités politiques, ce qui leur a permis d’obtenir en France le statut de réfugié.

Benik est arrivé en France en novembre 2011, il y a deux ans et demi déjà. Il a été débouté de sa demande d’asile. Il a alors déposé une demande de titre de séjour pour « étranger malade », car il fait de fréquentes crises d’épilepsie. La réponse était standard : « Vous pouvez vous faire soigner dans votre pays ! ». Elle a été suivie d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Son avocat a commencé des démarches pour contester l’OQTF, puisque Benik avait pu recueillir des témoignages de ses voisins arméniens, attestant des fréquentes visites de la police à son domicile.

Nous connaissons Benik et Araxya, ces gens respectueux, ouverts, qui n’aspirent qu’à pouvoir travailler en France, et vivre ici plutôt que la-bas. Là-bas, où les puissances occidentales influent sur la politique intérieure. Nous les connaissons et nous savons que leur seules ressources à tous les trois étaient le Secours populaire, la Croix rouge et les Restos du cœur.

Benik ne viendra plus à nos réunions

Benik a été arrêté le vendredi deux mai au matin lorsqu’il s’est rendu à une convocation au commissariat de police. Cette convocation faisait suite à un contrôle d’identité routier. Son délit : ne pas être détenteur d’un permis de conduire français. Benik est titulaire d’un permis de conduire arménien et avait le droit, durant l’instruction de son dossier, de conduire avec celui-ci. Il en avait pris l’habitude, et comme nombre d’Arméniens, pensait que cela ne posait pas de problème. Il s’est rendu confiant à la convocation.

Étant sans papier (parce que débouté du droit d’asile depuis mars dernier), il n’a évidemment pas la possibilité de passer le permis de conduire français (il n’est pas détenteur non plus du permis européen). Alors que n’importe quel touriste peut louer une voiture en France et la conduire avec le permis de son pays, quand on est étranger sans papier, cela devient un délit... Et lorsqu’il y a délit, il y a garde à vue (GAV).

La suite de l’histoire est souvent ce qui arrive à Benik en ce moment : la Préfecture décide, alors, de commencer la procédure d’expulsion. Après la GAV, la rétention avec un Avis de Reconduite à la Frontière : rétention d’abord au « local de rétention » à Tours puis dans un CRA.

Benik est aujourd’hui au Centre de Rétention Administrative de Rennes. Nous avons peu de nouvelles. Il passera le 6 mai le Tribunal Administratif puis devant le juge des Libertés et de la Détention (JLD) qui prendra la décision soit de prononcer son maintien en rétention (c’est-à-dire de confirmer la procédure d’expulsion), soit de le libérer. Et nous craignions qu’il ne soit renvoyé en Arménie, où il est recherché par la police, en raison des activité politiques de son beau-frère et de sa sœur. Pendant ce temps, Araxya Melkumian et SamVel Melkumian demeureront cachés, pour éviter que ne soit expulsée toute la famille.

Tout est en règle ! Qu’on se rassure : tout cela est parfaitement légal....

Alors... Bienvenu(e)s En France !

Beaucoup jugent la cause perdue, épuisante. Nous pensons au contraire, qu’affirmer nos principes est une façon de nous retrouver, de rire, de nous aimer. Que défendre nos principes est une façon d’étendre nos sympathies.

C’est parce que nous refusons, qu’en notre nom à tous, de telles décisions inhumaines soient prises ; parce que nous refusons que ce pays nie tous les principes qu’il affiche par ailleurs avec tant de fierté, que nous organisons « Bienvenu(e)s en France ». Nous vous appelons à y venir nombreux, vous qui n’avez rien à dire, vous qui refusez également de telles pratiques. Venez construire et peindre un labyrinthe géant, écouter des concerts, voir du théâtre populaire, dire ce que vous pensez durant l’état des lieux ! Pour se rencontrer, s’exprimer, débattre, et faire la fête. Pour dire : « Non ! »

Le collectif des citoyens sans droit et son comité de soutien

Notes

[1Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe