Alternatiba Tours : une alternative à quoi ?

Réaction à propos la projection du documentaire « Sacré Croissance » organisée par le collectif Alternatiba Tours le 12 février.

La projection était organisée sous les ors de la République, pour l’occasion cela s’est passé dans la salle des mariages de l’hôtel de ville de Tours. Une salle qu’il est a minima très dur d’obtenir pour n’importe quel collectif militant ou associatif particulièrement s’il prétend militer à gauche de la gauche. Une projection qui n’a pu donc être rendue possible que par le soutien d’élus. En l’occurrence, et personne ne s’en étonnera, c’est Europe-Écologie qui a rendu la chose possible. En vertu de quoi c’est son leader local, Emmanuel Denis, qui a eu l’honneur d’ouvrir la soirée.

Il n’était pas le seul politicien de base dans la salle. Outre des verts, un autre groupe était présent en masse : celui des partisans de Nouvelle Donne, nouvel eldorado électoraliste des partisans des colibris, de la transition ou du miracle de l’économie sociale et solidaire. Identifiables par leurs jolis badges roses, les militants de ce parti étaient nombreux et ont pratiqué un tractage massif dans le hall de l’hôtel de ville.

Rien de bien étonnant là-dedans lorsque l’on sait que Marie-Monique Robin, la réalisatrice du flm est membre de Nouvelle Donne. Sans rien dire de la qualité de ses films (parmi lesquels « Le Monde selon Monsanto ») qu’on trouve plutôt de bonne tenue, on ne peut que s’interroger sur l’alternative souhaitée par cette dernière et les militants de son parti.

En tous cas ses actions plaident pour elle. En 2013, l’État, totalement choqué par l’opposition qu’elle représente, lui a proposé de recevoir la légion d’honneur. Croyez-vous qu’elle ait refusé l’honneur suprême de la République ? Grand Dieu, non ! Mais elle a fait un acte qui représente sans doute pour certain le summum de la subversion : se la faire remettre à Notre-Dame-des-Landes en soutien aux opposants à l’aéroport. Elle lui a été remise par Dominique Méda, elle-même membre de Nouvelle Donne.

On dirait une mauvaise blague de clowns activistes et on a imaginé ce que ça pouvait donner en termes de dialogue :

T’as fait quoi pour t’opposer à l’aéroport ?
— J’habite sur la ZAD depuis 2 ans, j’ai été blessé trois fois par les flics.
— J’ai fait des manifs, j’ai pris 6 mois ferme.
— J’ai fait des discours, j’ai eu la légion d’honneur.

A lire ça on pourrait croire qu’on a peur d’avoir des pépins physiques ou judiciaires si on va manifester à Nantes ou à Toulouse ce week-end. Mais Nouvelle Donne règle le problème. Son leader Pierre Larrouturou suggère en effet que les CRS ou les gendarmes mobiles arrêtent préventivement les manifestants, comme il l’expliquait récemment dans une tribune.

Si l’alternative que propose Alternatiba Tours, c’est Pierre Larrouturou à la place de François Hollande, on n’en veut clairement pas. Si c’est que des gentils citoyens regardent des films qui disent du mal du capitalisme dans un des ses temples politiques, on n’en veut pas plus. Si c’est faire des petits gestes tout en conservant une fascination morbide pour la sacro-sainte République, on n’en veut pas non plus. Si c’est moraliser le capitalisme avec les Verts et Nouvelle Donne, on n’en veut toujours pas. D’ailleurs en fait c’est pas le problème qu’on en veuille ou non, le problème c’est que ça ne sert strictement à rien.

Un des slogans des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est « Contre l’aéroport et son monde ». Dans ce slogan la seconde partie est au moins aussi importante que la première. Le « monde » dont il est question ce n’est pas seulement la croissance, ce sont aussi les ors de la République, sa légion d’honneur, ses partis politiques qui n’ambitionnent que de changer leur pourcentage aux prochaines élections...

C’est ce « et son monde » qui nous empêche à jamais de nous réunir sous les dorures de la salle des mariages de la mairie de Tours ou d’avoir à nous poser la question d’accepter ou pas une légion d’honneur qu’on ne nous proposera jamais. C’est manifestement ce « et son monde » qui nous oppose aux politiciens de Nouvelle Donne et d’Europe-Écologie-Les-Jaunes et à ceux qui leur filent un peu de légitimité « alternative ». Tous sont tellement attachés aux oripeaux du vieux monde qu’ils n’envisagent même pas qu’il soit possible d’en sortir. C’est ce « et son monde » qui fait ce que nous sommes : révolutionnaires.

Des qui luttent contre ce monde et pour en bâtir un autre

Illustration : Groupe du Ministère : les cinémas et les photographes dans la cour de l’Elysée