A propos des Etats-Unis et des mouvements sociaux : entretien avec Noam Chomsky

Cet entretien que Noam Chomsky a récemment accordé au site Autre Futur.à Boston est une partie d’une enquête plus générale sur les mouvements sociaux et militants aux États-Unis, menée sur la côte Est des États-Unis ces derniers mois, de Baltimore à Boston, en passant par Philadelphie et New York. La suite sera publiée prochainement.

Pouvez-vous d’abord décrire la situation sociale et économique actuelle des États-Unis, pour les personnes qui ne la connaitraient pas bien ?

Noam Chomsky : Il est intéressant de considérer la situation depuis la Seconde Guerre Mondiale. En 1945, les États-Unis étaient le pays le plus riche et le plus puissant de l’histoire mondiale. Il détenait la moitié de la richesse du monde, une sécurité incomparable, des opportunités formidables, des avantages internes énormes, un marché intérieur immense, des ressources, etc. Bien sûr, cela ne pouvait pas continuer ainsi. Donc, il y a eu un lent déclin depuis. Mais c’est toujours, de loin, le pays le plus puissant du monde, réunissant des avantages incomparables, même s’il n’est plus aussi puissant qu’il y a 70 ans. Durant la période des années 50 et 60, le taux de croissance fut le plus élevé de l’histoire américaine et le plus soutenu de l’histoire mondiale. Cette croissance était égalitaire, le quintile supérieur et le quintile le plus bas augmentaient à peu près de la même manière. C’était aussi une période de développement social conséquent, s’attaquant au problème raciste, qui a joué un rôle dans l’histoire américaine depuis le début. C’était, bien entendu, une société esclavagiste, comme l’était extrêmement la France. La France avait ses esclaves à l’étranger, pour la plupart, mais il s’agit toujours de la même structure. Ici, les esclaves étaient à l’intérieur. En fait, une bonne partie de l’économie moderne a développé des sortes de camps de travail d’esclaves. Concernant la France, on estime qu’à peu près 20% de sa richesse venait d’Haïti, la colonie française la plus riche, dévastée par les autorités françaises, tout comme l’Afrique. Aux États-Unis, ce sont des camps de travail d’esclaves à l’intérieur qui produisaient l’essentiel du coton sur lequel la révolution industrielle a reposé, les industries, les finances, le commerce, etc. Cela reste un problème. Je veux dire qu’il n’a pas disparu. Mais il y a eu des étapes vers une amélioration dans les années 50 et particulièrement dans les années 60. Et il y avait une croissance économique substantielle, le début de mouvements sociaux sur d’autres questions, comme par exemple celui sur le droit des femmes, qui a été un des plus importants.

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Illustration : Andrew Rusk